5.
Sachons donc leur porter secours, et célébrons leur commémoration. Si les fils de Job ont été purifiés par le sacrifice de leur père, pouvez-vous douter que nos offrandes pour ceux qui ne sont plus, leur apportent quelque consolation ? C'est la coutume de Dieu de faire fructifier pour les autres les grâces que d'autres ont méritées. Et c'est ce que Paul faisait voir par ces paroles : « Afin que beaucoup de personnes; manifestant en elles la grâce que nous avons reçue, donnent à beaucoup de personnes l'occasion de bénir Dieu pour vous ». (2 Cor. II, 11.) Empressons-nous de porter notre secours à ceux qui ne sont plus, et. d'offrir pour eux des prières : car le but commun de la terre entière c'est l'expiation. Prions donc avec confiance pour la terre entière, et avec les martyrs nous appelons tous les membres de l'Eglise, avec les confesseurs, avec les ministres sacrés. Car nous ne sommes qu'un seul et même corps tous tant que nous sommes, quoiqu'il y ait des membres plus glorieux que d'autres membres, et il n'y a rien d'impossible à ce qu'en nous adressant à toutes les âmes nous assurions à ceux qui ne sont plus leur pardon, par les prières, par les dons qui sont offerts pour eux, par l'assistance même de ceux que l'on invoque avec eux. D'où viennent donc vos gémissements, vos plaintes, quand il est possible de rassembler de si grandes forces pour obtenir le pardon de celui qui n'est plus? Mais vous pleurez, ô femme, parce que vous êtes abandonnée, vous avez perdu votre protecteur? Non, jamais, ne prononcez jamais ces paroles; vous n'avez pas perdu Dieu: Tant que vous l'avez, voilà qui vous vaut mieux qu'un mari, et père, et fils, et beau-père; quand ces êtres chéris étaient vivants, Dieu n'en était pas moins celui qui faisait toutes choses. Méditez donc ces pensées, et dites avec David : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui craindrai-je? » (592) (Ps. XXVI, 1.) Dites : vous êtes le père des orphelins, et le juge des veuves, et attirez sur vous son secours, et vous verrez qu'il prendra encore plus de soin de vous qu'auparavant, un soin d'autant plus vigilant que vous serez dans une plus grande détresse. Mais vous avez perdu un fils? Vous ne l'avez pas perdu, ne prononcez pas ces paroles : ce que vous voyez, c'est un sommeil, non une mort; c'est un voyage, non une destruction; c'est un passage d'un état inférieur, à une meilleure condition. N'irritez pas Dieu, mais rendez-le propice. Si vous supportez le coup avec une force généreuse, il en résultera, pour celui qui n'est plus, et pour vous, une douce consolation si vous faites le contraire, vous irritez ta colère de Dieu. Car si à la vue d'un esclave battu de verges par. son maître ; vous montrez votre mécontentement, vous ne faites qu'exciter contre vous le mécontentement du maître. N'agissez pas ainsi, mais rendez grâces à Dieu, afin que cette conduite dissipe le nuage de votre affliction: dites comme ce bienheureux : « Le Seigneur m'a donné, le Seigneur m'a enlevé ».; considérez combien de personnes plus que vous agréables à Dieu, n'ont jamais eu de fils, combien d'hommes n'ont jamais porté le nom de pères. Ni moi non plus, répondra-t-on, je ne voudrais pas avoir eu de fils; il attrait bien mieux valu pour moi ne pas faire cette expérience, que de goûter un pareil plaisir, et de le perdre après. Non, je vous en prie, ne prononcez pas de telles paroles, ne provoquez pas ainsi la colère du Seigneur; faites mieux, rendez grâces à Dieu des biens que vous avez reçus; pour ceux que vous ne gardez pas toujours, glorifiez le Seigneur. Job ne dit pas : il eût mieux valu pour moi n'avoir rien reçu; ce que dit votre . ingratitude, mais Job même pour les biens enlevés rendait grâces au Seigneur; il disait: « Le Seigneur m'a donné », pour les biens perdus, il le bénissait en disant « Le Seigneur m'a enlevé : que le nom du Seigneur soit béni dans tous les siècles ». Il fermait la bouche à sa femme, par des raisonnements d'une sagesse merveilleuse, et il faisait entendre ces paroles admirables: « Si nous avons reçu des biens du Seigneur, n'en supporterons-nous pas aussi des maux? » Or l'épreuve qu'il eut à subir ensuite fut encore plus terrible; elle ne le brisa pas, .il tint bon, il supporta tout avec courage, il se mit à glorifier Dieu. Faites de même, réfléchissez vous aussi en vous-même: ce n'est pas un homme qui vous a pris celui que vous pleurez; c'est Dieu qui a tout fait, Dieu qui a de vous plus de souci que personne, Dieu qui comprend le mieux l'intérêt de tous, Ce n'est pas un ennemi, un méchant qui vous a frappé. Voyez combien d'enfants n'ont vécu que pour rendre la die impossible à leurs parents. Mais vous ne voulez pas voir, me dira-t-on, les enfants d'un noble coeur. Je les vois, eux aussi, mais je dis qu'ils sont moins en sûreté que votre fils, Quelque bonne estime qu'on en fasse, leur fin n'en est pas moins incertaine ; pour votre enfant, au contraire, vous n'avez plus à trembler, nous n'avez plus rien à craindre, à redouter pour lui quelque changement que ce soit. Appliquez ces pensées à une épouse qui avait la beauté eu partage, qui était une bonne gardienne de votre maison, et pour toutes choses bénissez Dieu ; vous avez perdu votre épouse, bénissez le Seigneur. Peut-être Dieu veut-il vous amener à la continence, à des. oeuvres plus hautes, rompre vos liens. Si nous nous livrons .à ces pensées de la sagesse, nous conquerrons, pour la vie présente, la tranquillité de l'âme, et, pour la vie à venir, les couronnes, etc.
Traduit par M. PORTELETTE
