3.
Pour ceux qui sent dehors, dit l'apôtre, c'est au jour du jugement qu'ils s'entendront demander la réparation de leurs péchés; mais pour vous , c'est maintenant que vous la subirez, afin d'être affranchis de l'autre. Eh bien, cette pensée pleine d'une sollicitude qu'inspire l'affection paternelle, voyez comme il l'exprime d'une manière terrible et avec quelle passion : « Qui n'est peint faible devant vous, mais puissant parmi vous. Car encore qu'il ait, été crucifié, selon la faiblesse, il vit néanmoins par la vertu de Dieu ». Qu'est-ce à dire : « Encore qu'il ait été crucifié selon la faiblesse? » Quoiqu'il ait consenti, dit l'apôtre, à subir un supplice qui semble autoriser des soupçons de faiblesse, il n'y a rien en cela qui diminue sa puissance; elle subsiste inexpugnable, et ce qui semble une preuve réelle de faiblesse, ne lui a porté aucune atteinte; au contraire, c'est la preuve la plus éclatante de la force qui est en lui, qu'il ait pu supporter un pareil traitement sans que sa puissance en ait été amoindrie. Donc il ne faut pas que le mot de faiblesse vous trouble en effet, ailleurs encore, il dit : La folie de « Dieu est plus sage que l'homme, et la faiblesse de Dieu est plus forte que l'homme » (I Cor. I, 25); évidemment. il n'y a en Dieu ni folie ni faiblesse, mais c'est une allusion qu'il fait à la croix pour exprimer les idées des incrédules à ce sujet. Ecoutez donc l'apôtre s'expliquant lui-même : « La parole, de la croix est une folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui se sauvent, pour nous, c'est la puissance de Dieu et encore : « Nous prêchons, nous, un Dieu crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les Grecs, le Christ qui est, pour ceux qui sont appelés ou Juifs ou Grecs, la puissance et la sagesse de Dieu » (I Cor. I, 18, 23, 24) ; et encore « L'homme animal ne reçoit pas les choses de l'esprit ; car, pour lui, c'est folie ». (I Cor. II, 14.) Voyez-le partout exprimant les idées, des infidèles qui regardent comme une folie, comme une faiblesse, l'acte de ta croix. C'est de cette manière qu'ici encore il ne parle pas d'une faiblesse réelle, mais de Ce qui était regardé comme une faiblesse par les infidèles. Il ne dit donc pas que celui qui fut mis en croix était un être faible ; loin de nous cette pensée. Qu'il lui fut possible d'échapper à là croix, c'est ce qu'il a montré par tous les moyens, tantôt renversant ceux qui veulent le saisir, tantôt détournant les rayons du soleil, desséchant le figuier, aveuglant ceux qui l'approchent, opérant d'autres actes innombrables de sa1puissance; que signifie donc ce que dit l'apôtre, « Selon la faiblesse? » C'est que si le Christ a été crucifié, s'il a supporté d'être victime des dangers et des haines (nous avons montré qu'aux dangers, aux attaques de la haine l'apôtre donne le nom d'astheneia, (177) de «faiblesse »), sa force pourtant n'en a reçu nulle atteinte. Mais l'apôtre parlait ainsi pour s'approprier ce qui ressort de cet exemple. Comme on voyait que les apôtres persécutés; chassés, méprisés, ne songeaient ni à se défendre, ni à attaquer, Paul enseigne que ce n'est ni par faiblesse qu'ils supportent de pareils traitements , ni par impuissance de les écarter, et il s'élève jusqu'au souverain Maître du monde pour en déduire sa démonstration; lui-même, dit-il, a été mis en croix, chargé de fers, a souffert d'innombrables douleurs, et il ne repoussait pas ses ennemis, il endurait tout, il supportait tous les traitements qui semblent des preuves de faiblesse, et par là il manifestait la force qui est en lui, puisque, tout en s'abstenant de repousser les attaques et de se venger, il n'a reçu absolument aucune atteinte. La croix n'a donc pas supprimé la vie, n'a pas mis obstacle à la résurrection, le Christ est ressuscité et il vit. Lorsqu'on vous parle de croix et de vie, entendez cela de l'humanité de Jésus-Christ, car c'est le sujet de tout ce discours. Si l'apôtre dit : « Par la vertu de Dieu » (ce n'est pas que Jésus-Christ ne fut pas assez puissant pour revenir de lui-même à la vie quant à la chair; il n'aurait. pas refusé de dire par la vertu du Père et élu Fils. En disant : « Par la vertu de Dieu »), c'est de la vertu de Jésus-Christ qu'il parle. Ce qui preuve que c'est le Christ lui-même qui a ressuscité, (lui a le pouvoir de ressusciter sa chair, écoutez : « Détruisez ce a temple, et je le rétablirai en trois jours ». (Jean, II, 19.) S'il dit que tout ce qui lui appartient, appartient à son Père, ne vous troublez pas : « Car tout ce qui appartient à mon a Père est à moi », dit-il (Jean, XVI, 15) ; et encore : « Tout ce qui est à moi est à vous, et a tout ce qui est à vous est à moi ». (Ibid. XVII, 10.) Donc, dit l'apôtre, de même que ce Dieu crucifié n'a reçu aucune atteinte, de même ne souffrons-nous aucun mal, nous que l'on persécute, nous à qui l'on fait la guerre. Voilà pourquoi Paul ajoute : « Nous sommes faibles aussi avec lui, mais nous vivrons avec lui par la vertu de Dieu ». Que veut dire : «Nous sommes faibles avec lui? » Nous sommes persécutés, chassés, nous souffrons les maux les plus rigoureux. Mais que signifie « Avec lui ? » Par la prédication; dit-il , et par la foi en lui. Que si nous endurons des choses sinistres, des afflictions à cause de lui, (177) il est évident que nous devons aussi être heureux avec lui ; voilà pourquoi Paul a ajouté « Mais nous sommes sauvés avec lui par la vertu de Dieu. Examinez-vous vous-mêmes. pour voir si vous êtes dans la foi ; éprouvez-vous vous-mêmes. Ne reconnaissez-vous pas vous-mêmes que Jésus-Christ est en vous, si ce n'est que vous soyez déchus? Mais j'espère que vous reconnaîtrez que nous, nous ne sommes pas déchus (5, 6) ». En effet, après leur avoir dit que, s'il ne les traite pas sévèrement, ce n'est pas qu'il ne porte pas le Christ en lui, mais c'est qu'il veut imiter la longanimité du Christ crucifié, du Dieu qui ne se défend point; il s'y prend encore d'une autre manière pour arriver au même but; il trouve dans les disciples une preuve encore plus forte à l'appui de son discours. Mais est-il nécessaire de vous parler de moi, d'un maître chargé, dit-il, de tant de soins, à qui la terre entière a été confiée, et qui a donné tant de signes de sa mission? Vous n'avez, sous, simples disciples, qu'à vous examiner vous-mêmes, vous verrez que même en vous réside le Christ; s'il réside en vous, à bien plus forte raison réside-t-il dans le maître. Oui, si vous avez la foi, le Christ est aussi en vous. Car ceux qui avaient la foi faisaient des miracles alors. Voilà pourquoi Paul ajoute . « Examinez-vous vous-mêmes, éprouvez-vous vous-mêmes, pour voir si vous êtes dans la foi. Ne reconnaissez-vous pas vous-mêmes que Jésus-Christ est en vous, si ce n'est que vous soyez déchus? » Or, s'il est en vous, à bien plus forte raison est-il dans le Maître. Quant à moi, il me semble parler ici de la foi qui fait des miracles. Car, dit-il, si vous avez cette foi , le Christ est en vous, « si ce n'est que vous soyez déchus ».