7.
Sachons l'imiter. Que l'un des époux, s'il est plus riche, ne reproche pas à l'autre sa pauvreté. L'amour de l'argent perd tout. Que la femme ne dise pas à son mari : Homme timide et lâche, esprit paresseux et somnolent, tel autre à côté de toi, malgré la bassesse de sa naissance et de sa position, à force de périls bravés et de voyages entrepris, est parvenu à ramasser de grandes richesses ; sa femme, couverte d'or, parcourt la ville dans un beau char attelé de mules blanches, traînant après elle une troupe d'esclaves et d'eunuques; et toi, tu n'es qu'un poltron, et ta vie est complètement inutile. Non, qu'une femme n'aille pas tenir ce langage, ni un langage pareil; car elle est le corps, non pour commander au chef, mais pour lui céder et lui obéir. Et comment donc, dira-t-on, supportera-t-elle la pauvreté? Où trouvera-t-elle des consolations? Qu'elle se représente celles qui sont plus pauvres qu'elle; qu'elle compte combien de filles nobles, loin de rien recevoir de leurs maris, les ont enrichis et se sont ruinés; qu'elle songe aux périls qui accompagnent la richesse : et une vie libre d'affaires lui paraîtra le bonheur même. Mais à tout prendre, si elle aime son mari, elle ne lui dira rien de pareil ; elle aimera mieux l'avoir auprès d'elle , pauvre comme il est, que de posséder dix mille talents d'or, au prix des soucis, des inquiétudes, que les voyages causent toujours aux femmes. D'autre part, que le mari, importuné de ces reproches, ne se prévale pas de son autorité pour en venir aux injures et aux coups : qu'il exhorte, qu'il conseille, qu'il raisonne avec elle comme avec un esprit plus faible que le sien, que jamais il ne lève la main ; cela répugne à une âme libre : pas même d'injures (548) ni d'invectives, qu'il corrige sa femme, comme un être inférieur à lui-même en raison. Comment y parvenir? Si l'on sait en quoi consiste la vraie richesse, si l'on est initié à la philosophie céleste, on se gardera de pareils reproches... Que, le mari enseigne à sa femme que la pauvreté n'est pas un mal; qu'il le lui enseigne, non-seulement par ses paroles, mais encore par sa conduite; qu'il lui inspire le mépris de la vaine gloire, et la femme ne dira, ne désirera rien de semblable. Que, l'entourant d'un pieux respect dès le premier soir qu'elle a mis le pied chez lui; il lui enseigne la tempérance, la modestie, la douceur, à mener toujours une vie honnête , à ne pas aimer l'argent, à pratiquer la philosophie chrétienne, à ne pas charger d'or ses oreilles, son visage, son cou, à ne pas thésauriser en secret, à préférer une simplicité élégante aux vêtements somptueux et dorés, au luxe insolent. Loin de toi cet étalage théâtral ! Orne ta maison avec décence et bon goût, et qu'on y respire, en entrant, au lieu de parfums, la modération et la sagesse. Deux avantages, ou plutôt trois résulteront de là : d'abord la jeune femme ne sera pas affligée, la noce finie, de voir renvoyer à ceux qui les ont fournis vêtements, objets d'or, vases d'argent : en second lieu, l'époux n'aura pas à veiller à ce que ces objets ne se perdent point et soient tenus sous bonne garde. Le troisième avantage, et le plus essentiel, c'est que par là même il montrera ses sentiments, le peu de prix qu'il attache à tout cela, le soin qu'il prendra d'interdire tout ce qui y ressemble, ainsi que les danses, les chants licencieux.
Je ne me dissimule pas que je me rends peut-être ridicule aux yeux de quelques-uns en légiférant de la sorte. mais si vous suivez mes conseils, avec le temps, quand vous en aurez profité, vous en saurez le prix : vous ne rirez plus, ou plutôt vous rirez de la mode actuelle; vous verrez que des pratiques pareilles ne sauraient convenir qu'à des enfants sans raison ou à des hommes ivres: qu'au contraire, la conduite que je vous trace est celle de la décence , de la sagesse et du christianisme... Qu'est-ce donc que je prescris? De bannir du mariage toute chanson licencieuse, satanique, tout refrain indécent, toute affluence de jeunes débauchés : voilà le moyen d'inspirer la pudeur à votre femme. Elle se dira aussitôt : Quel. homme est mon mari ! il est philosophe, il compte pour rien la vie présente, il m'a épousée pour avoir des enfants, pour les élever, pour que sa maison soit gardée. Mais ces pensées déplaisent à une jeune femme : oui, le premier, le second jour : plus tard, c'est différent : elle trouvera un grand bonheur à jouir d'une sécurité parfaite. En effet, un homme qui ne supporte ni le son de la flûte, ni la vue des danses, ni la licence des chansons, et cela, au jour de son mariage, celui-là ne consentira jamais, certes, à rien faire, à rien dire de honteux. Ensuite, après avoir pris soin d'écarter du mariage tout cet appareil, commencez l'éducation de votre femme : laissez-lui longtemps ses craintes pudiques, ne les chassez pas d'un coup. Car la jeune fille la plus hardie reste un temps silencieuse, par réserve à l'égard de son mari, et par ignorance. Respectez donc d'abord cette réserve; n'imitez pas l'empressement déréglé de certains hommes; sachez attendre longtemps vous vous en trouverez bien... Pendant ce temps elle ne vous fera pas de reproches; elle ne trouvera pas à redire à vos décisions.
