5.
Dans le palais d'un roi, les personnages de distinction se tiennent à l'intérieur et entourent la personne du souverain ; les autres se tiennent en dehors. Restez donc chez vous auprès de votre femme. Et vous, jeune femme, restez aussi maintenant chez vous, ne faites point parade de votre virginité. Il y a près de vous deux troupes; l'une qui montre dans quel état elle vous remet entre les mains de l'autre, l'autre chargée de veiller sur vous. Pourquoi cette tache que vous imprimez à votre virginité ? Si votre extérieur est si peu décent , votre époux vous jugera sur votre extérieur. Car c'est toujours une honte d'avoir de mauvaises manières, fût-on la fille d'un roi. Qui vous empêche d'être digne? Est-ce votre pauvreté? Est-ce votre humble condition ? Mais une jeune fille, quand même elle serait esclave, doit avoir de la réserve. « Car, en Jésus-Christ, il n'y a ni esclave, ni homme libre». (Gal. III, 28.) Est-ce que le mariage serait un théâtre ? Non, c'est un mystère qui représente une grande chose. Si vous ne respectez pas le mariage, respectez au moins ce qu'il représente. « Ce sacrement est grand en Jésus-Christ et en l'Eglise », dit l'apôtre. (Ephés. V, 32.) C'est Jésus-Christ et l'Eglise qu'il représente, et vous amenez des courtisanes à la célébration de ce mystère !
Mais, dites-vous, si les jeunes filles, si les jeunes mariées ne dansent pas, qui donc dansera? Personne. La danse n'est pas chose si nécessaire. Chez les gentils, la danse entrait dans la célébration des mystères; mais nos mystères à nous demandent le silence, la décence et le sérieux, la réserve et la modestie. Un grand mystère est en train de s'accomplir; hors d'ici les courtisanes ! Hors d'ici les profanes ! Mais quel est ce mystère? Ce sont deux créatures humaines qui s'unissent pour n'en former qu'une seule. Pourquoi, à l'arrivée des deux époux, n'y a-t-il ni danses, ni bruit de cymbales? Pourquoi ce silence profond? Et quand ils s'approchent l'un de l'autre, en représentant non pas une froide image terrestre, mais l'image même de Dieu, pourquoi ce désordre qui jette le trouble dans l'assemblée et qui souille les âmes ? Voilà deux êtres qui viennent s'unir, pour ne faire qu'un seul être ! C'est un mystère de charité qui commence ! Tant qu'ils ne seront pas unis, tant qu'ils continueront à former deux êtres séparés, ils ne pourront donner la vie à une foule d'autres êtres ; leur union seule produira cet effet. Nous voyons, par là, combien l'union est puissante. Dès l'origine du inonde, le grand Ouvrier a fait deux créatures de la seule créature humaine qui existât. Et, pour montrer que cette séparation ne les empêche pas de ne faire qu'un, il n'a pas voulu que chacun des deux, en particulier et à lui seul, pût travailler à l'oeuvre de la génération. Car l'un de ces deux êtres, quand il n'est pas joint à l'autre, n'est pas entier; il ne forme que la moitié d'un tout. Et voilà pourquoi il est inhabile à procréer. Avez-vous fait attention au mystère du mariage? Dieu s'est servi d'une créature humaine, pour en faire une autre, puis il a réuni ces deux créatures et n'en a fait qu'une. Voilà pourquoi on peut dire que c'est un seul être qui en produit un autre. Car le mari et la femme ne sont pas deux êtres distincts; ils ne sont qu'une chair, et à l'appui de cette vérité, on peut citer bien des preuves. On peut citer Jacob, on peut citer Marie, la mère du (175) Christ; on peut citer cette parole: « Dieu les a faits mâle et femelle ». (Gen. I, 27.)
Si l'un est la tête et l'autre le corps , comment formeraient-ils deux êtres séparés? La femme, c'est l'écolière; le mari, c'est le maître. Le mari, c'est le chef; la femme, c'est l'être qui obéit. La manière dont elle a été créée vous fera voir qu'elle ne fait qu'un avec son époux; elle a été tirée d'une côte de l'homme, et tous deux sont, pour ainsi dire, les deux moitiés d'un tout. Voilà pourquoi l'homme la regarde comme son aide. Voilà pourquoi la femme quitte père et mère pour s'attacher de préférence à l'homme auquel elle va s'unir, avec lequel elle va vivre. Et un père lui-même se plaît à établir son fils et sa fille, à serrer les noeuds de ce mariage qui va rendre à un être une partie de lui-même. Que de dépenses ! Quelle perte d'argent pour ce père, avant d'en venir là ! Mais qu'est-ce que cela fait? Ce père serait inconsolable,, s'il n'établissait pas ses enfants. Chacun d'eux, en effet, quand il reste isolé, est comme une chair séparée de sa chair; c'est un être incomplet qui ne peut procréer; c'est un être incomplet qui n'a pas encore organisé sa vie. De là ce mot du Prophète : « C'est le reste de ton âme ». (Malach. II, 15.) Mais comment ne font-ils qu'une chair ? C'est comme si vous détachiez d'un lingot d'or ses parcelles, les plus pures pour les mêler à un autre lingot. De même ici, c'est la partie la plus onctueuse du sang de l'homme que le plaisir verse dans le sein de la femme où elle se trouve développée, en se mêlant aux germes que la femme fournit. Et l'enfant joue, entre le mari et la femme, le rôle de trait d'union. Voilà donc trois êtres qui ne font qu'une chair, et dont l'un sert de lien entre les deux autres. C'est comme si deux cités, divisées par un fleuve, étaient réunies en une seule par un pont. Dans la circonstance qui nous occupe, l'union est la même, que dis-je? elle est plus intime. Car le trait d'union est de la même nature que les deux objets unis. Les deux êtres ne font donc qu'un seul être, comme le tronc accompagné des membres ne fait qu'un même corps avec la tête. C'est le cou seul qui les sépare ; encore les unit-il autant qu'il les divise, en se trouvant au milieu d'eux. C'est comme si un chœur, après s'être séparé en deux moitiés, se recomposait avec ses membres pris à droite et à gauche. Aussi ce mot : Ils ne feront qu'une chair, est-il exact. C'est leur enfant qui produit cette union intime. Mais que dis-je? Quand même ils n'auraient pas d'enfant, ils ne formeraient pas encore deux êtres distincts. Et le motif en est clair. C'est la cohabitation qui confond ces deux individualités en une seule ; c'est le parfum qu'on jette dans l'huile et qui s'y incorpore, de manière à ne faire qu'un avec elle.