2.
« Que Dieu, qui ne peut pas mentir, nous avait promise». S'il ne peut pas mentir, tout ce qu'il a promis s'accomplira; s'il ne peut, pas mentir, il ne faut pas douter de sa parole, quand même l'accomplissement n'en aurait lieu qu'après notre mort. « Que Dieu, qui ne peut pas mentir, nous avait promise avant les temps éternels ». Par cela même qu'il dit : « Avant tous les temps », il montre que cette promesse mérite notre foi. Ce n'est point parce que les juifs ne sont pas venus à la foi, dit-il, qu'il en est ainsi, mais c'est ce qui a été figuré dès le principe. Écoutez, en effet, ses propres paroles : « Il l'a manifestée dans son temps propre ». Pourquoi ce retard? Par une raison providentielle et, pour que toutes choses se fissent au moment convenable. « Il « est temps », dit le Prophète, « que l’Éternel opère». (Ps. CXVIII,126.) Par ces mots : «Dans son temps propre », il faut entendre dans le temps qui convenait, dans le temps qu'il fallait, dans le temps favorable. « Il a manifesté en son temps propre sa parole dans la prédication qui m'est commise». Par là il entend la prédication : car l'Évangile contient toutes choses, les promesses pour le présent et pour l'éternité, la vie, la piété, la foi, tout en un mot. «Dans la prédication », c'est-à-dire ouvertement, avec franchise, car c'est le sens de ces mots : « Dans la prédication ». De même que le héraut élève la voix dans le théâtre en présence de toute l'assistance, de même nous aussi nous prêchons sans rien ajouter du nôtre; nous ne faisons que répéter ce que nous avons entendu. Car la vertu du héraut consiste à dire à tout le monde comment les choses se sont passées, sans rien retrancher ni ajouter.
Si donc il faut prêcher, il faut le faire avec franchise, autrement serait-ce encore prêcher? C'est pourquoi le Christ ne dit pas : Parlez sur les toits, mais: « Prêchez sur les toits». (Matth. X, 27.) Il montre où et comment il faut prêcher. «Qui m'a été commise par le commandement de Dieu notre Sauveur». Ces mots : «Qui m'a été commise », ces autres mots: « Par le commandement», montrent que la prédication est digne de foi; que personne donc ne l'entende d'une manière indigne, ni avec dégoût, ni avec impatience. Mais s'il y a commandement, je ne suis pas maître : c'est un ordre que j'exécute. Parmi nos actions, les unes nous appartiennent, les autres, non. Pour ce que Dieu ordonne de dire, nous ne sommes pas maîtres; mais pour ce qu'il permet, nous sommes libres dans notre parole. Par exemple : « Celui qui dira à son frère, Raca, sera punissable par le conseil», c'est là un commandement; ou bien: « Si tu apportes ton offrande à l'autel, et que là il te souvienne que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l'autel et va d'abord te réconcilier avec ton frère, puis viens et offre ton offrande». (Matth. V, 22-24). C'est encore là un commandement, un ordre, et si quelqu'un ne s'y conforme pas, il y a nécessité qu'il subisse le, châtiment. Mais lorsque Jésus-Christ dit : « Si tu veux être parfait, vends ce que tu possèdes », ou bien : « Que celui qui peut comprendre ceci, le comprenne ».(Matth. XIX, 21, 12). Ce n'est pas un commandement, car il laisse l'auditeur libre d'écouter ses paroles, il lui donne à choisir ce qu'il doit faire ou ne pas faire, cela reste en notre pouvoir. Il n'en est pas de même pour les commandements, il faut de toute nécessité les remplir, sous peine d'être, puni. C'est ce que saint Paul dit lui-même par ces paroles : « La nécessité m'en est imposée, et malheur à moi si je n'évangélise pas ». ( I Cor. IX, 16.) Pour moi, je le dirai (408) bien haut, afin que cette vérité éclate à tous les yeux. Ainsi, si celui qui a été préposé au gouvernement de l'Eglise et qui a été honoré de la dignité d'évêque, n'indique pas au peuplé ce qu'il doit faire, il encourt une grande responsabilité; mais le laïque n'est tenu par aucune nécessité de ce genre. C'est pour cette raison que l'apôtre Paul dit : « Selon le commandement de Dieu notre Sauveur». Et voyez comme la suite s'accorde avec ce que je viens de dire. Paul venait de dire : «Dieu qui ne ment point » ; il dit maintenant : « Par le commandement de Dieu notre Sauveur». Si donc il est notre Sauveur, et qu'il nous donne des commandements, par le désir qu'il a de nous sauver, la prédication n'est point une oeuvre d'ambition, c'est une mission de foi, c'est un commandement de Dieu notre Sauveur.
« A Tite, mon vrai fils ». Il y a en effet des fils qu'on ne reconnaît point pour ses vrais fils, comme celui dont il est dit : « Si quelqu'un, qui se nomme frère, est fornicateur, ou avare, ou idolâtre, ou médisant, ou ivrogne, ou ravisseur, ne mangez pas même avec un tel homme ». (I Cor. V, 11.) Un tel homme est un fils, mais ce n'est point un vrai fils; c'est un fils, car il a reçu la grâce une fois et il a été régénéré; ce n'est. point un vrai fils, car il est indigne de son père, car il se met sous un autre maître. En effet, dans l'ordre de la nature, le vrai fils se distingue du fils illégitime par sa mère, et il porte le nom de son père. Dans l'ordre de la grâce il n'en est pas ainsi, c'est par choix qu'on est fils; aussi appartient-, il à celui qui est un vrai fils de ne pas demeurer tel, et à celui qui ne l'est pas, de le devenir. En effet, ce n'est point par la nécessité de la nature que cette question est décidée, c'est par la liberté du choix: de là tant de changements. Onésime, par exemple, était un vrai fils, mais il cessa de l'être pour un temps, parce qu'il devint méchant. . Ensuite il le redevint au point que l'apôtre l'appelait ses entrailles.
« A Tite, mon vrai fils, selon la foi qui nous est commune ». Qu'entend-il par ces mots: « Selon la foi qui nous est commune? » Après l'avoir appelé son fils et s'être lui-même donné pour un père; pourquoi diminue-t-il et affaiblit-il cet honneur? En voici la raison: « Selon la foi qui nous est commune», ajoute-t-il, c'est-à-dire, selon la foi je n'ai rien de plus que toi; car elle nous est commune et c'est par elle que toi et moi nous avons été engendrés. Mais alors pourquoi l'appelle-t-il son fils? C'est ou pour montrer seulement qu'il a l'affection d'un père, ou parce qu'il l'a précédé dans l'apostolat, ou parce que Tite a été baptisé par lui. C'est pour cette raison qu'il appelle . les fidèles ses fils et ses frères : ses frères, parce qu'ils ont été engendrés parla même foi; ses fils, parce qu'ils ont été engendrés à la foi par son ministère. Lors donc qu'il dit: « Selon la foi qui nous est commune», il indique qu'il est le frère de Tite.
« Grâce et paix de la part de Dieu le Père et de Jésus-Christ notre Sauveur ». Après avoir dit: « Mon fils », il ajoute : « De la part de Dieu le Père», pour élever son âme, et lui apprendre de qui il est fils; il ne se contente pas de dire: « Selon la foi qui nous est commune», il ajoute encore : « De la part de notre Père », et par là il lui montre une fois de plus qu'il est son égal. en dignité.