IV.
Notre maître disait donc que la vision avait été manifestée au théologien Isaïe par un des saints et bienheureux anges qui président à notre hiérarchie; et que le prophète, illuminé et conduit de la sorte, avait joui de cette contemplation sublime, où, pour parler un langage symbolique, lui apparurent et les plus hautes intelligences siégeant immédiatement au-dessous de Dieu., et environnant son trône, et au milieu du cortège la souveraine majesté dans la splendeur de son essence ineffable, s'élevant par delà ces vertus si parfaites. Dans ces visions, le prophète apprit que, par la supériorité infinie de sa nature, la divinité l'emporte sans comparaison sur toute puissance soit visible, soit invisible, et qu'elle est absolument séparée du reste des êtres, et n'a rien de semblable même aux plus nobles substances; il apprit que Dieu est le principe et la cause de toutes les créatures, et la base inébranlable de leur permanente durée, et que de lui procède l'être et le bien-être des créatures même les plus augustes; il apprit encore quelles sont les vertus toutes divines des séraphins dont le nom mystérieux exprime si bien l'ardeur enflammée, ainsi que nous le dirons un peu plus loin, autant qu'il nous sera possible d'expliquer comment l'ordre séraphique s'élève,vers son adorable modèle. Le libre et sublime essor par lequel les esprits dirigent vers Dieu leur triple faculté est symbolisé par les six ailes dont ils semblaient revêtus aux yeux du prophète. De même ces pieds et ces visages sans nombre, que la vision faisait passer sous son regard, lui étaient un enseignement, aussi bien que ces ailes qui voilaient les pieds, et celles qui voilaient le visage, et celles qui soutenaient le vol constant des anges; car, pénétrant le sens mystérieux de ce spectacle, il comprenait dgequelle vivacité et puissance d'intuition sont douées ces nobles intelligences, et avec quel religieux respect elles s'abstenirent de porter une téméraire et audacieuse présomption dans la recherche des profonds et inaccessibles secrets de Dieu, et comment elles s'appliquent à imiter la divinité par un infatigable effort , et dans un harmonieux concert. Il entendait cet hymne de gloire si pompeux et tant répété, l'ange lui communiquant la science, autant que c'était possible , en même temps qu'il lui mettait la vision sous les yeux.
Enfin son céleste instituteur lui faisait connaître que la pureté des esprits, quelle qu'elle soit, consiste en la participation à la lumière et à la sainteté non souillée.
Or c'est Dieu même qui pour d'ineffables motifs, et par une incompréhensible opération, communique cette pureté à toutes créatures spirituelles; mais elle est départie plus abondamment, et d'une façon plus évidente, à ces vertus suprêmes qui entourent de plus près la divinité : pour ce qui regarde et les rangs subalternes de la hiérarchie angélique, et la hiérarcliie humaine tout entière, autant chaque intelligence est éloignée de son auguste principe, autant vis-à-vis d'elle le don divin affaiblit son éclat, et s'enveloppe dans le mystère de son unité impénétrable. Il rayonne sur les natures inférieures au travers des natures supérieures, et pour tout dire en un mot, c'est par le ministère des puissances plus élevées qu'il sort du fond de son adorable obscurité.
Ainsi Isaïe, saintement éclairé par un ange, vit que la vertu purifiante et toutes les divines opérations reçues d'abord par les esprits plus sublimes, s'abaissent ensuite sur tous les autres, selon la capacité qu'elles trouvent en chacun d'eux: c'est pourquoi le séraphin lui apparut comme l'auteur, après Dieu, de la purification qu'il raconte. Il n'est donc pas hors de raison d'affirmer que ce fut un séraphin qui purifia le prophète. Car comme Dieu purifie toute intelligence, précisément parce qu'il est le principe de toute pureté; ou bien, pour me servir d'un exemple familier, comme notre pontife, quand il purifie ou illumine par le ministère de ses diacres ou de ses prêtres, est justement dit purifier et illuminer, ceux qu'il a élevés aux ordres sacrés lui rapportant leurs nobles fonctions; de même l'ange qui fut choisi pour purifier le prophète, rapporta et la science et la vertu de son ministère à Dieu d'abord comme à leur cause suprême , et puis au séraphin, comme au premier initiateur créé.
On peut donc se figurer l'ange comme instruisant Isaïe par ces pieuses paroles :" Le principe suprême, l'essence, la cause créatrice de cette purification que j'opère en toi, c'est celui qui a donné l'être aux plus nobles substances, qui conserve leur nature immuable, et leur volonté pure, et qui les attire à entrer les premières en participation de sa providentielle sollicitude. " (Car c'est ce que signifie l'ambassade du séraphin vers le prophète, d'après le sentiment de celui qui m'expliquait cette opinion.) ." Or ces esprits sublimes, nos pontifes et nos maîtres, après Dieu, dans les choses saintes, qui m'ont appris à communiquer la divine pureté, ce sont eux, c'est cet ordre auguste qui par moi te purifie, et dont l'auteur bienfaisant de toute purification emploie le ministère, pour tirer de son secret, et envoyer les dons de son active providence." Voilà ce que m'apprit mon maître; et moi je vous le transmets , ô Timothée. Maintenant je laisse à votre science et à votre discernement, ou bien de résoudre la difficulté par l'une ou l'autre des raisons proposées, et de préférer la seconde comme raisonnable et bien imaginée, peut-étre comme plus exacte; ou de découvrir par vos propres investigations quelque chose de plus conforme à la vérité; ou enfin, avec la gràce de Dieu, qui donne la lumière, et des anges qui nous la transmettent, d'apprendre de quelque autre une meilleure solution. En ce cas, faites-moi part de votre bonne fortune; car mon amour pour les saints anges se réjouirait de posséder sur cette question des données plus claires.