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Contre Hermogène
XXIX.
Je vois Dieu consommer toutes ses œuvres par degré; créant d'abord le monde avec des éléments incultes, puis le consacrant ensuite par la beauté de ses formes. Il ne commence point par monder la lumière de la splendeur du soleil; par tempérer les ténèbres par les rayons consolateurs de la lune; par semer dans les cieux la poussière de ses astres et de ses étoiles; par peupler les mers de leurs gigantesques habitants. Il ne dote pas sur-le-champ la terre de sa riche fécondité. D'abord il lui donne l'être; plus tard il la peuple d'habitants, pour qu'elle ne demeure pas vide. «Car, dit Isaïe, ce n'est pas en vain, mais pour l'homme, qu'il l'a formée.» Maintenant donc que la voilà faite, elle deviendra parfaite un jour; jusque là, « elle est invisible et grossière. » Grossière, il est vrai, par cela même qu'elle est invisible, attendu qu'elle n'est pas parfaite pour l'œil, ni pourvue de tout ce qui lui manque encore; invisible, parce qu'elle est environnée par un rempart liquide, trésor de sa fécondité; épaisse, pour que notre chair ait quelque ressemblance avec sa forme. Ainsi le chante le Psalmiste: « La terre et tout ce qu'elle renferme est au Seigneur; l'univers et tout ce qui l'habite est à lui. C'est lui qui l'a affermi au milieu des mers et qui l'a élevé au-dessus des fleuves. » L'aride, qui jusque là était couverte par les eaux, devint plus brillante par la séparation des eaux qui se précipitèrent vers le fond de l'abîme. Dès ce moment elle devient visible, lorsque Dieu dit: « Que les eaux qui sont sous le ciel se rassemblent en un seul lieu, et que l'aride paraisse. » Que l'aride paraisse, entends-tu? mais non qu'elle soit; car elle était déjà créée, mais elle continuait d'être invisible jusqu'à ce moment. Aride, dit le Seigneur, parce qu'elle allait le devenir par la séparation des eaux, tout en demeurant terre. « Et Dieu appela l'aride, terre, » mais non Matière. Arrivée par la suite à sa perfection, elle cessa d'être grossière, aussitôt qu'elle eut entendu cette parole du Seigneur: « Que la terre produise les plantes verdoyantes avec leur semence, les arbres avec des fruits, chacun selon son espèce, qui renferment en eux-mêmes leur semence, pour se reproduire. » Et ailleurs: « Que la terre produise des animaux vivants, chacun selon son espèce: les animaux domestiques, les reptiles et les bêtes fauves, selon leurs différentes espèces. » La divine Ecriture a donc tenu parole. A celle qu'elle avait nommée d'abord invisible et grossière, elle a rendu sa beauté et sa perfection. D'autre Matière invisible et grossière, il n'en existait pas. Ta Matière sera donc visible et parfaite par la suite. Je veux donc voir la Matière, car elle est devenue visible; je veux la reconnaître pour parfaite, afin que ma main cueille aussi les fleurs de son sein, les fruits dont se couronnent ses arbres, et que les animaux qu'elle nourrit servent à mon usage. Mais la Matière, je ne la trouve nulle part, tandis que la terre est partout sous nos yeux. Je la vois; j'en jouis à chaque moment, depuis qu'elle a cessé d'être invisible et grossière; c'est d'elle, à n'en point douter, qu'Isaïe a dit: «Telle est la parole du Seigneur qui a étendu les cieux; du Dieu qui a rendu visible la terre, et qui l'a formée. » Assurément, celle qu'il a rendue visible, c'est celle qu'il a formée. Et comment l'a-t-il rendue visible? en disant: « Que l'aride paraisse. » Pourquoi lui ordonner de paraître, sinon parce qu'elle ne paraissait point autrefois, afin qu'il ne l'eût point créée en vain, en la rendant visible et par là même habitable? Que conclure de tout cela? C'est que la terre que nous habitons est la même qui a été créée et montrée par Dieu, et qu'il « n'y a pas d'autre terre grossière et invisible » que celle qui a été créée et m'a été montrée. En un mot, ces expressions, « Or la terre était invisible et grossière, » se rapportent, à celle que Dieu sépara du ciel.
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Adversus Hermogenem
XXIX.
[1] Siquidem omnia opera sua deus ordine consummauit incultis primo elementis depalans quodam modo mundum, dehinc exornatis uelut dedicans. Nam et lumen non statim splendore solis impleuit et tenebras non statim solacio lunae temperauit et caelum non statim sideribus stellisque signauit et ma[te]ria non statim beluis frequentauit et ipsam terram non statim uaria fecunditate dotauit sed primo esse ei contulit, dehinc non in uacuum esse suppleuit. Sic enim et Esaias non in uacuum, ait, fecit illam sed inhabitari. [2] Postea ergo quam facta est, futura etiam perfecta, interim erat inuisibilis et rudis, rudis quidem hoc quoque ipso quod inuisibilis, ut nec uisui perfecta, simul[et] et ut de reliquo nondum instructa, inuisibilis uero, ut adhuc aquis tamquam munimento genitalis humoris obducta, qua forma etiam adfinis eius caro nostra producitur. Nam et Dauid ita canit: Domini est terra et plenitudo eius, orbis terrae, et omnes qui habitant in illa; ipse super maria fundauit eam et super flumina praeparauit eam. Segregatis enim aquis in cauationem sinum emicantior facta est arida quae antehac aquis tegebatur. Exinde itaque et uisibilis efficitur dicente deo: Congregetur aqua in congregatione una et uideatur arida. 'Videatur', inquit, non 'fit', iam enim facta erat sed inuisibilis usque tunc uideri sustinebat; 'arida' autem, quod erat futura ex diuortio humoris, tamen terra: et uocauit deus aridam terram, non materiam. [3] Sic et perfectionem postea consecuta desinit rudis haberi, cum pronuntiat deus: Fructificet terra herbam foeni seminantem semen secundum genus et secundum similitudinem, et lignum fructuosum faciens fructum, cuius semen in ipso in similitudinem, item: Producat terra animam uiuam secundum genus, et quadrupedia et repentia et bestias terrae secundum genus. [4] Impleuit igitur ordinem suum scriptura diuina, quam enim praedixerat inuisibilem et rudem, ei et uisionem reddidit et perfectionem. Non alia autem materia erat inuisibilis et rudis; ergo materia erit postea uisibilis et perfecta. Volo itaque uidere materiam, uisibilis enim facta est; uolo et perfectam eam recognoscere, ut ex illa etiam foeni herbam et ex illa decerpam lignum fructu