XIII.
Mais avec quelle ardeur il nous recommande le martyre après lequel il soupire lui-même, ce Paul, qui, de persécuteur répandant le premier le sang de l'Eglise, devient ensuite Apôtre, « échangeant ainsi l'épée contre la plume, le glaive contre l'instrument de labour, le matin Benjamin, loup ravissant, le soir apportant ses dépouilles, suivant les paroles de Jacob! » Ecoutons-le s'applaudissant de la foi des Thessaloniciens! « De sorte, dit-il, que nous nous glorifions nous-même en vous, dans les Eglises de Dieu, à cause de votre patience et de votre foi au milieu même de toutes les persécutions et des tribulations qui vous arrivent; qui sont des marques du juste jugement de Dieu, et qui servent à vous rendre dignes de son royaume, pour lequel aussi vous souffrez. » Même langage aux Romains: « Nous nous glorifions, non-seulement dans cette espérance, mais encore dans nos afflictions, sachant que l'affliction produit la patience, la patience l'épreuve, et l'épreuve l'espérance; et cette espérance n'est pas vaine. » Et ailleurs: « Or, si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers, je dis héritiers de Dieu, et cohéritiers de Jésus-Christ, pourvu toutefois que nous souffrions avec lui, afin que nous soyons glorifiés avec lui. Car je crois que les souffrances de la vie présente n'ont aucune proportion avec cette gloire qui doit un jour éclater en nous. » Voilà pourquoi il ajoute plus bas: « Qui donc nous séparera de l'amour de Jésus-Christ? Sera-ce l'affliction, ou les angoisses, ou la faim, ou la nudité, ou les périls, ou les persécutions, ou le glaive? Selon qu'il est écrit: On nous livre tous les jours à la mort à cause de vous; on nous regarde comme des victimes destinées aux sacrifices. Mais parmi tous ces maux, nous demeurons victorieux par la vertu de celui qui nous a aimés. Car je suis assuré que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les principautés, ni les puissances, ni les choses présentes, ni les futures, ni la violence, ni tout ce qu'il qu'il y a de profond, ni aucune autre créature, ne pourra jamais nous séparer de l'amour de Dieu en Jésus-Christ notre Seigneur. » Quand il raconte aux Corinthiens ses souffrances, il fait de la souffrance une loi imprescriptible: « J'ai essuyé plus de travaux, reçu plus de coups, enduré plus de prisons. Je me suis vu souvent près de la mort. J'ai reçu des Juifs jusqu'à cinq fois trente-neuf coups de fouet; j'ai été battu de verges par trois fois; j'ai été lapidé une fois, etc. »
Que si ces choses vous paraissent des disgrâces, plutôt que des martyres véritables, écoutez encore! « C'est pourquoi je me complais dans mes faiblesses, dans les outrages, dans les nécessités, dans les persécutions, dans les angoisses pour Jésus-Christ. » Il est semblable à lui-même dans ce qui précède: « Nous subissons toute sorte d'afflictions, mais nous n'en sommes point accablés; nous nous trouvons dans de grandes difficultés, mais nous n'y succombons pas. Nous sommes persécutés, mais nous ne sommes pas abandonnés; nous sommes renversés, mais nous ne sommes pas perdus. Nous portons toujours dans notre corps la mort de Jésus. Mais quoique dans nous, ajoute-t-il, l'homme extérieur se détruise » ( c'est-à-dire la chair, par la violence des persécutions ), « l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour, » (c'est-à-dire l'ame, par l'espérance des promesses). «Les afflictions si courtes et si légères de la vie présente produiront pour nous de degré en degré le poids éternel d'une sublime et incomparable gloire. Ainsi nous ne considérons point les choses visibles, mais les invisibles. Car les choses visibles sont passagères; » allusion aux disgrâces de la vie, « mais les invisibles sont éternelles; » allusion aux récompenses. Ecrit-il du fond de sa prison aux Thessaloniciens, il les estime bienheureux « de la grâce qui leur a été faite, non-seulement de croire en Jésus-Christ, mais encore de souffrir pour lui. Dieu, leur dit-il, vous a engagés dans le même combat où vous m'ayez vu et où vous avez appris que je suis encore. Car si, après avoir offert à Dieu le sacrifice de votre foi, il faut que mon sang soit répandu sur la victime, j'en aurais de la joie, et je m'en réjouirais avec vous tous. Et vous devriez aussi vous-mêmes en avoir de la joie et vous en réjouir avec moi. » L'entendez-vous exalter le bonheur du martyre auquel il donne de la solennité par la réciprocité de la joie? Comme il se félicite, dans son épître à Timothée, dès qu'il croit toucher à l'objet de ses vœux! « Car moi je suis près d'être immolé, et le temps de ma mort approche. J'ai combattu fortement; j'ai achevé ma course, j'ai gardé ma foi. Il ne me reste qu'à attendre la couronne que le Seigneur me donnera en ce grand jour; » oui, la couronne du martyre. Il avait suffisamment exhorté plus haut son cher disciple. « C'est une vérité très-certaine; si nous mourons avec Jésus-Christ, nous vivrons également avec lui. Si nous souffrons avec lui, nous régnerons également avec lui; si nous le renonçons, il nous renoncera aussi. Si nous lui sommes infidèles, il demeurera fidèle; car il ne peut pas être contraire à lui-même. Ne vous laissez donc pas troubler par la passion de notre Seigneur, ni par l'idée que je suis son captif. » En effet, il avait dit plus haut: « Dieu ne nous a pas donné un esprit de timidité, mais un esprit de force, d'amour et de sagesse. » Oui, nous souffrons avec une sagesse et une force qui se raniment dans l'amour de Dieu, quand nous souffrons pour l'innocence. Nous encourager à la patience, qu'est-ce autre chose dans la bouche de l'Apôtre que de nous préparer d'avance pour la tribulation? De même, nous éloigner de l'idolâtrie, n'est-ce pas lui arracher surtout la couronne du martyre?