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Le Rétractations
4.
Ailleurs : « L’amour de ce monde est bien plus laborieux, ai-je dit. En effet, ce que l’âme cherche en lui, à savoir la constance et l’éternité, elle ne l’y trouve pas; car cette infime beauté du monde n’existe que par le mouvement des choses, et ce qui imite « en elle la constance lui vient de Dieu par l’âme; par l’âme qui ne changeant qu’avec le temps prime le monde qui change avec le temps et les lieux 1. » Si ces paroles peuvent être prises en ce sens qu’elles ne montrent l’infime beauté que dans le corps des hommes et des animaux qui vivent avec le sentiment de leurs corps, elles sont manifestement fondées en raison. En effet, ce qui dans cette beauté imite la constance, c’est la cohésion qui conserve ces corps dans leur identité tout le temps qu’ils existent : et cela leur vient de Dieu par l’âme. Car l’âme est le lien de cette cohésion qui empêche la dissolution et la dispersion que nous voyons arriver dans les corps des animaux quand l’âme les quitte. Mais si on entend cette infime beauté de tous les corps, une telle pensée contraint de croire que le monde aussi est animé. Dans ce cas, en effet, ce qui en lui imite la constance lui viendrait de Dieu par l’âme.
Or, cette pensée d’un monde animé qu’a eue Platon et qu’ont soutenue plusieurs autres philosophes, je n’ai pu ni la justifier par la raison, ni la démontrer par l’autorité des divines Ecritures. C’est pourquoi si on a pu interpréter en ce sens quelqu’une de mes paroles, je l’ai notée déjà comme téméraire dans le livre de l’Immortalité de l’Ame 2; non pas que j’affirme qu’il soit faux que le monde soit animé, mais parce que je ne comprends pas que ce soit vrai. Ce que je tiens comme inébranlablement assuré, c’est que ce monde n’est pas un Dieu pour nous, qu’il ait une âme ou n’en ait point. S’il en a une, celui qui l’a faite est notre Dieu; s’il n’en a pas, ce monde ne peut être le Dieu de rien, encore moins peut-il être le nôtre. Cependant lors même que le monde n’aurait pas d’âme, on croit avec beaucoup de raison qu’il y a en lui une vertu vitale et spirituelle; cette vertu dans les saints Anges sert à orner et à gouverner le monde pour la gloire de Dieu et l’avantage de ceux mêmes qui ne la comprennent pas. J’appelle maintenant du nom de saints Anges toute sainte créature spirituelle consacrée au service secret et caché de Dieu; mais les divines Ecritures n’ont pas coutume de donner le nom d’âmes aux esprits angéliques. Ainsi donc, dans ce que j’ai écrit vers la fin de ce livre : « Les nombres raisonnables et intellectuels des âmes bienheureuses et saintes reçoivent, sans aucune nature intermédiaire, la loi de Dieu, de ce Dieu sans la volonté de qui une feuille ne tombe pas, de ce Dieu qui a compté tous les cheveux de notre tête; et ils transmettent cette loi jusqu’aux domaines de la terre et des enfers 3; » je ne trouve pas que ce mot d’âmes puisse être usité d’après la sainte Ecriture, puisque je n’ai voulu parler ici que des saints Anges, et que je ne me souviens pas d’avoir jamais lu dans les livres canoniques qu’ils aient des âmes. Ce livre commence ainsi : « Assez longtemps déjà. »
Edition
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Retractationes (PL)
4.
Alio loco: Laboriosior est, inquam, hujus mundi amor. Quod enim in illo anima quaerit, constantiam scilicet aeternitatemque, non invenit: quoniam rerum transitu completur infirma pulchritudo, et quod in illa imitatur constantiam, a summo Deo per animam trajicitur: quoniam prior est species tantummodo tempore commutabilis, quam est ea, quae et tempore et locis 1. Haec verba si eo modo accipi possunt, ut non intelligatur infima pulchritudo, nisi in corporibus hominum, omniumque animalium, quae cum sensu corporis vivunt, ratio manifesta defendit. Hoc quippe in ea pulchritudine imitatur constantiam, quod in compage sua manent eadem corpora, in quantum manent: id autem a summo Deo in ea per animam trajicitur. Anima quippe ipsam compagem tenet, ne dissolvatur, et diffluat; quod videmus in corporibus animalium anima discedente contingere. Si autem infima pulchritudo in omnibus corporibus intelligatur, cogit ista sententia etiam ipsum mundum animal credere, ut etiam in ipsum, quod in illo imitatur constantiam, a [Col. 0602] summo Deo per animam trajiciatur. Sed animal esse istum mundum, sicut Plato sensit, aliique philosophi quamplurimi, nec ratione certa indagare potui, nec divinarum Scripturarum auctoritate persuaderi posse cognovi. Unde tale aliquid a me dictum quo id accipi possit, etiam in libro de Immortalitate Animae temere dictum notavi 2; non quia hoc falsum esse confirmo, sed quia nec verum esse comprehendo, quod sit animal mundus. Hoc sane inconcusse retinendum esse non dubito, Deum nobis non esse istum mundum, sive anima ejus ulla, sive nulla sit. Quia si ulla est, ille qui eam fecit, est Deus noster: si autem nulla est, nullorum Deus potest esse iste; quanto minus noster? Esse tamen spiritualem vitalemque virtutem, etiam si non sit animal mundus; quae virtus in Angelis sanctis ad decorandum atque administrandum mundum Deo servit, et a quibus non intelligitur; rectissime creditur. Angelorum autem sanctorum nomine, omnem sanctam creaturam spiritualem, in Dei secreto atque occulto ministerio constitutam nunc appellaverim: sed spiritus angelicos sancta Scriptura nomine animarum significare non solet. Proinde in eo quod circa finem libri hujus dixi, Rationales et intellectuales numeri beatarum animarum atque sanctarum legem ipsam Dei, sine qua folium de arbore non cadit, et cui nostri capilli numerati sunt, nulla interposita natura excipientes, usque ad terrena et inferna jura transmittunt 3, non video quemadmodum vocabulum animarum secundum Scripturas sanctas positum possit ostendi; quandoquidem hic non nisi Angelos sanctos intelligi volui, quos habere animas nusquam me legisse in divinis eloquiis canonicis recolo. Hic liber sic incipit: Satis diu pene.