6.
Eh bien ! pour revenir à notre dessein, te paraît-il qu'on puisse vivre heureux , sans avoir trouvé la vérité, mais pourvu qu'on la cherche? Je répète mon sentiment, dit-il; je ne le crois pas. Et vous, dis-je aux autres, que vous en semble? Pour moi, reprit Licentius, je crois le contraire. En effet, nos anciens, que nous tenons pour sages et heureux, n'ont bien et heureusement vécu que parce qu'ils cherchaient la vérité. Je vous rends grâces, dis-je, de m'avoir établi votre juge avec Alypius, dont, je vous l'avoue, je commençais à envier le rôle. Ainsi donc, il paraît à l'un de vous que la vie heureuse consiste dans la seule recherche de la vérité, et à l'autre, qu'elle ne peut consister qu'à la trouver; pour Navigius, il vient de faire assez connaître qu'il inclinait de notre côté. Licentius, j'attends donc avec impatience comment vous pourrez chacun défendre votre opinion. Car c'est une grande chose, et très-digne d'une soigneuse discussion. Si c'est une grande chose, dit Licentius, elle demande de grands hommes. Ne prétends pas, lui dis-je, trouver, surtout dans cette campagne, ce qu'il serait difficile de rencontrer ailleurs dans le monde entier; mais plutôt, développe toi-même ce que tu n'as pas sans doute avancé inconsidérément; et fais connaître les raisons sur lesquelles tu l'apprécies. Car les grandes choses, quand elles sont traitées par les petits, ont coutume de les faire devenir grands.