5.
Aussi, lorsque tu nous quittas après nous avoir ainsi excités, nous ne cessâmes de soupirer après la philosophie, et nous ne songeâmes plus qu'à embrasser ce genre de vie qui nous avait séduits, et nous plaisait si fort. Nous étions toujours pleins de ces désirs, mais ils étaient moins vifs. Cependant nous nous imaginions que c'était suffisant, et comme la flamme qui devait nous saisir tout à fait n'était pas encore là, celle qui nous échauffait déjà lentement nous paraissait excessive. Mais sitôt que certains livres bien remplis, comme dit Celsinus, eurent répandu sur nous les parfums d'Arabie, et jeté sur cette petite flamme quelques gouttes d'une huile précieuse, ce qui arriva est inconcevable, incroyable , mon cher Romanien, et au delà de tout ce que tu peux croire de moi: que dirai-je de plus? ces quelques gouttes allumèrent en moi un incendie qui me paraissait incroyable à moi-même. Que me faisaient alors les honneurs, la pompe humaine, levain désir de la renommée; enfin tout ce qui attache à la vie ? Je revenais en moi à la hâte tout droit et tout entier. Je me tournais en chemin, je t'avoue, vers cette religion qu'on avait semée au plus profond de nos coeurs d'enfants, et c'était elle-même qui m'entraînait vers elle à mon insu. C'est pourquoi, chancelant, me hâtant, hésitant, je saisis l'apôtre Paul; car, me disais-je,ces hommes-là n'auraient pas pu accomplir de si grandes choses, ni vivre comme il est notoire qu'ils ont vécu, si leurs écrits et leurs principes étaient contraires à cette haute sagesse. Je le lus donc tout entier avec beaucoup d'application et de réflexion.