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Que l'âme raisonnable, dans sa changeante nature, soit donc avertie que, sans la participation au bien immuable, il lui est impossible d'arriver à la justice, au salut, à la sagesse, au bonheur, et que réduite à sa volonté propre, elle trouvera non pas le bien mais le mal. Avec sa seule volonté, elle s'éloigne du bien immuable et par là elle se corrompt; elle ne peut se guérir par elle-même; elle a besoin de la miséricorde gratuite de son Créateur, qui, la faisant vivre de la foi dans cette vie, . l'établit dans l'espérance du salut éternel. Qu'elle ne s'enorgueillisse donc pas, mais qu'elle craigne, .et que, portant au coeur cette crainte chaste, elle s'unisse à Dieu, qui l'a purifiée des souillures de son amour déréglé pour les biens inférieurs, comme d'une sorte de fornication spirituelle. Qu'elle ne se laisse pas toucher par les louanges humaines pour ne pas ressembler aux vierges folles 1, et c'est ici la dernière de vos questions; les vierges folles faisaient le bien dans le but d'obtenir des louanges vaines et non pas en vue de leur propre conscience où elles avaient Dieu pour témoin ; mais que l'âme raisonnable suive l'exemple des vierges sages, afin qu'elle dise avec l'Apôtre : « Notre gloire, c'est le témoignage de notre conscience 2. » C'est là ce qui s'appelle porter l'huile avec soi et ne pas en acheter à ceux qui en vendent, c'est-à-dire à ceux qui flattent. Car les flatteurs vendent leurs louanges comme de l'huile aux insensés. C'est de cette huile que parle le Psalmiste : « Le juste me reprendra avec charité et me corrigera; mais l'huile du pécheur n'engraissera pas ma tête 3. » Le prophète préfère être repris avec bonté par le juste et être en quelque sorte souffleté, plutôt que de faire orgueilleusement enfler sa tête sous les flatteries du pécheur.