2.
Mais la lettre que m'a remise de votre part le prêtre Urbain, renferme une difficulté tirée non pas des Livres divins, mais des livres que j'ai écrits sur le Libre Arbitre. — De pareilles difficultés ne me retiennent pas longtemps; si les bonnes raisons manquent pour défendre mon avis, cet avis n'est que le mien; il ne s'agit pas ici d'un auteur dont il n'est pas permis de condamner le sentiment, lors même que, faute de le bien saisir, on comprend quelque chose qu'on né doit pas approuver. Je tâche, je l'avoue, de me mettre au nombre de ceux qui écrivent à mesure qu'ils profitent et profitent à mesure qu'ils écrivent. Si donc, par imprudence ou par ignorance, il m'est échappé quelque chose qui puisse être avec raison relevé par d'autres et aussi par moi-même (car si je profite, je dois m'apercevoir de mes fautes), il ne faut ni s'en étonner ni s'en affliger, mais il faut me pardonner, et me féliciter, non pas de m'être trompé, mais d'avoir été rectifié. Car celui-là s'aime lui-même d'un bien coupable amour qui veut que les autres se trompent pour que sa propre erreur ne soit pas connue. Combien il est meilleur et plus utile que, là où il s'est trompé lui-même, d'autres ne se trompent pas, afin qu'averti par eux il se corrige ! S'il ne veut pas se corriger, que d'autres au moins ne partagent pas son erreur. Si Dieu me fait la grâce d'exécuter un jour le dessein que j'ai d'écrire un ouvrage tout exprès pour marquer ce que pourra m'offrir de défectueux l'examen de tous mes livres, les hommes alors verront combien peu j'ai égard à ma personne 1.
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Ces belles lignes, d'une si sincère modestie, nous prouvent que, dès l'année 412, saint Augustin avait l'idée de l'ouvrage intitulé de Recensione librorum (de la révision ou revue des livres) qui occupe les derniers temps de sa vie. Voyez notre Hist. de saint Augustin, chap. LII. ↩