1.
Je me souviens de ce que vous m'avez demandé et de ce que je vous ai promis, Pauline, pieuse servante de Dieu, et je ne dois pas négliger d'acquitter ma dette. Vous m'avez prié de vous écrire quelque chose d'étendu sur la question de savoir si le Dieu invisible peut être vu des yeux du corps; je n'aurais pu vous le refuser sans offenser votre zèle religieux; mais j'ai tardé à remplir ma promesse, soit à cause d'autres occupations, soit parce que le sujet de votre demande méritait qu'on y pensât longtemps. Dans l'examen de cette grande chose, il ne fallait pas seulement réfléchir sur ce qu'il y avait à croire et à dire, mais encore sur les moyens de persuader ceux qui ont des opinions différentes, et cette double obligation rendait la tâche plus difficile; enfin j'ai cru devoir mettre un terme à ce long retard, dans l'espoir que Dieu viendrait à mon aide bien plus en écrivant qu'en différant. Et d'abord il me paraît que dans cette recherche il y a plus à gagner dans une bonne vie que dans les meilleurs discours. Ceux qui ont appris de Notre-Seigneur Jésus-Christ à être doux et humbles de coeur 1, profitent plus par la méditation et la prière qu'en lisant et en écoutant. Toutefois il ne faut pas renoncer à l'usage du discours; mais lorsque celui qui plante et qui arrose a fait son couvre, il laisse le reste à Celui qui donne l'accroissement: ceux qui plantent et qui arrosent sont aussi son ouvrage.
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Matth. XXI, 29. ↩