4.
Celui qui remettra cette lettre à votre excellence et à votre éminente charité est un de mes amis les plus chers depuis mon jeune âge. Son nom 1 est dans ce livre de la Religion que votre sainteté a lu avec plaisir, comme vous me le marquez dans votre lettre ; le mérite de ce livre s'est accru de la recommandation de celui qui vous l'a envoyé. Gardez-vous de croire tout le bien que mon ami vous dira peut-être de moi. J'ai reconnu souvent que, sans vouloir mentir, mais par entraînement de coeur, il se trompait dans son jugement et qu'il me croyait en possession de certains dons qui me manquent, et pour lesquels mes prières et mes soupirs montent vers Dieu. Et s'il a pu dire cela devant moi, que ne se permettra-t-il pas lorsque, en mon absence, sa joie répandra plus de louanges que de vérités? Dans son zèle admirable, il vous donnera tous mes ouvrages; je ne sais pas s'il y a un seul de mes livres qu'il ne possède, soit contre ceux qui sont hors de l'Eglise de Dieu, soit à l'adresse de nos frères. Mais vous, mon cher saint Paulin, quand vous me lisez, que les choses que la Vérité fait entendre par ma faiblesse ne vous ravissent pas au point de prendre moins garde à ce que je dis moi-même, de peur que, pendant que vous jouissez de ce qu'elle a donné de bon et de juste à son ministre, vous n'imploriez pas la miséricorde de Dieu pour les péchés et les erreurs que je commets. Si vous y portez une attention sérieuse, c'est dans ce qui vous déplaira que je me reconnaîtrai; mais pour ce qui vous plaira, à l'aide du don de l'Esprit-Saint que vous avez reçu, il faudra aimer et louer Celui-là seul qui est la source de vie et dans la lumière de qui nous verrons la lumière sans énigme, mais face à face, car maintenant nous voyons en énigme 2. Lorsque relisant mes ouvrages, je reconnais ce que j'ai tiré du vieux levain, je me juge avec douleur; et lorsque je rencontre ce que j'ai dit par le don de Dieu, après l'avoir puisé dans l'azyme de la sincérité et de la vérité, je me réjouis avec crainte. Qu'avons-nous que nous n'ayons reçu 3 ? On dit que celui-là est meilleur qui a reçu un plus grand don de Dieu. Qui le nie? Mais aussi mieux vaut rendre grâces à Dieu d'un petit don, que de s'enorgueillir d'un plus grand. Priez pour moi, frère, afin que ce sentiment soit toujours le mien, et que mon coeur ne soit pas en désaccord avec ma langue. Priez, je vous le demande, pour que, repoussant toute louange, j'invoque le Seigneur en ne louant que lui seul : c'est alors que je serai sauvé de mes ennemis.