5.
Cependant le bruit courait que le pouvoir de l'Église pourrait les délivrer, et nous étions joués par de fausses promesses; on nous disait que le comte Marin, non-seulement trouvait bon, mais même demandait qu'un évêque fût envoyé à la cour en leur faveur; on nous faisait entendre qu'il ne serait rien statué à leur égard avant que la cour se fût prononcée. Enfin, la veille du jour où ils furent mis à mort, votre excellence vint vers moi; vous me fîtes espérer plus vivement que vous ne l'aviez fait jusque là qu'il pourrait vous accorder leur mise en liberté au moment de votre départ; vous lui aviez sérieusement et sagement remontré que vos fréquents et secrets entretiens vous compromettaient plus qu'ils ne vous faisaient honneur, et que, si les deux frères périssaient, personne ne douterait que leur mort n'eût été le résultat de vos délibérations. Pendant que vous me déclariez que vous lui aviez dit ces choses, vous vous interrompîtes, et, vous tournant vers les lieux où l'on célèbre les sacrements des fidèles, vous affirmâtes par serment, à ma grande surprise, la vérité de vos paroles; à cet instant-là, je me serais amèrement reproché un soupçon contre vous, et aujourd'hui encore, après une catastrophe si horrible et si imprévue, quand je me rappelle avec quel air et quelles démonstrations vous me parliez alors, je ne pourrais sans honte laisser entrer dans mon coeur une pensée accusatrice. Vous me disiez que cet homme avait été si touché de vos paroles qu'il allait vous accorder le salut des deux prisonniers comme le viatique de l'amitié.