6.
Aussi je l'assure à votre charité, le lendemain qui fut le jour où se révéla le criminel dessein longtemps médité, quand tout à coup on m'annonça que les deux frères venaient de sortir du cachot pour être conduits devant le juge, l'involontaire émotion que j'éprouvai fit place à d'autres sentiments; repassant dans mon esprit ce que vous m'aviez dit la veille, et songeant à la fête du bienheureux Cyprien qui devait se célébrer le jour suivant, je crus que le comte Marin avait choisi ce jour pour accorder ce que vous lui aviez demandé, et qu'il avait voulu monter à l'endroit 1 où périt un si grand martyr, afin de réjouir l'Eglise universelle du Christ en se montrant plus grand par la puissance de laisser vivre que par la puissance de faire mourir; mais voilà que vers moi se précipite un messager par lequel j'apprends que les deux frères ont été livrés au bourreau avant même que j'aie eu le temps de demander des nouvelles de leur comparution devant le juge. Le lieu du meurtre était proche et n'était pas destiné aux supplices, mais plutôt il servait d'ornement à la ville; il y avait eu là auparavant quelques exécutions, de peur que le choix de cette place pour l'effusion d'un tel sang ne parût une nouveauté trop odieuse; c'est ce qu'on a cru avec raison. La promptitude des ordres donnés et l'extrême voisinage du lieu de l'exécution ont prouvé l'intention de soustraire les deux victimes à la sollicitude de l'Eglise. En craignant l'intervention de cette mère, le comte Marin a assez fait voir qu'il ne craignait pas de lui causer une telle affliction je savais que; par son baptême, il était devenu enfant de la sainte Eglise. Après un dénoûment si lamentable, quand on avait pris tant de soin de me donner la veille, et par vous-même, quoique à votre insu, une sécurité presque entière, quel homme, jugeant comme la foule des hommes a coutume de juger, pourrait douter que vous nous ayez vous-même donné des paroles et que vous leur ayez enlevé la vie? Aussi, comme je l'ai dit, je ne crois point que vous ayez eu part à ce crime, mais vous êtes bon et vous pardonnerez à ceux qui le croient.
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Mappalia. Ce mot punique a été la désignation de plusieurs lieux en Afrique. ↩