7.
Mais je ne vois pas comment on peut entendre qu’ Abraham ait été dans ces douleurs, Abraham dans le sein de qui fut reçu le pauvre pieux dont parle l'Evangile : il en est peut-être qui peuvent l'expliquer. Je ne sais toutefois s'il y a quelqu'un qui ne trouverait pas absurde de supposer qu'avant la descente du Seigneur aux enfers, Abraham et Lazare étaient seuls dans le sein de ce repos mémorable, et que de ces deux-là seulement il a été dit au mauvais riche : « Entre vous et nous, il y a pour toujours un grand abîme, et ceux qui le veulent ne peuvent point passer d'ici vers vous, ni venir ici du lieu où vous êtes 1. » Or, s'ils étaient plus de deux dans ce repos, qui oserait dire que là n'aient pas été les patriarches et les prophètes, à la justice et à la piété desquels l'Ecriture de Dieu rend un si grand témoignage? Je ne comprends donc pas de quel avantage eût été pour eux la cessation de douleurs qu'ils n'auraient pas endurées; d'autant plus surtout qu'en nul endroit des Ecritures je n'ai vu prendre en bonne part cette expression d'enfer. Et si rien de pareil ne se lit dans les divins livres, il n'est pas croyable que ce qu'on appelle le sein d'Abraham, c'est-à-dire le séjour d'un certain repos secret, soit une portion des enfers. D'après les paroles mêmes qu'un si grand maître fait dire à Abraham : « Entre vous et nous, il y a pour toujours un grand abîme ; » il est assez clair que le sein d'une telle félicité ne saurait être une certaine partie et comme un membre des enfers. Car qu'est-ce que le grand abîme, si ce n'est un gouffre qui sépare ceux entre qui il est creusé et creusé pour toujours? C'est pourquoi, si la sainte Ecriture avait dit que le Christ, après sa mort, est allé dans le sein d'Abraham, sans parler de l'enfer et de ses douleurs, je ne pense pas que personne eût osé avancer qu'il est descendu aux enfers.
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Luc, XVI, 26. ↩