6.
Car il y a, vous le savez, certains défauts ouvertement contraires aux vertus, comme l'imprudence à la prudence. Il y en a quelques-uns qui sont contraires aux vertus, uniquement parce qu'ils sont des défauts, quoiqu'ils aient avec elles une fausse ressemblance: il en est ainsi, non pas de l'imprudence, mais de la finesse à l'égard de la prudence. J'entends ici la finesse comme on l'entend le plus souvent, en mauvaise part, et non pas dans le sens de l'Ecriture qui souvent la recommande: « Soyez fins comme les serpents 1; » et encore : « pour que la finesse soit donnée aux innocents 2. » Un éloquent écrivain de la langue romaine a pris la finesse en bonne part quand il a dit en parlant de Catilina : « La finesse ne lui manquait point pour pénétrer les desseins ennemis ni l'artifice pour s'en préserver; » mais ce sens-là, très-rare parmi les auteurs anciens, est très-fréquent parmi les nôtres. De même, pour ce qui concerne la tempérance, la prodigalité est ouvertement contraire à l'économie; et la sordide avarice qui est un vice, a quelque chose de semblable à l'économie, non pas dans sa nature, mais par une trompeuse apparence. Ainsi, par une différence manifeste, l'injustice est contraire à la justice; mais le désir de se venger se présente d'ordinaire comme une imitation de la justice; c'est pourtant un vice. La lâcheté est très-clairement contraire à la force; mais la dureté, qui en est loin par sa nature, en prend les dehors. La constance est une certaine portion du courage; l'inconstance en est bien loin et c'est tout l'opposé; mais l'opiniâtreté affecte des airs de constance et n'en est pas; celle-ci est une vertu, l'autre un défaut.