3.
Quant au mensonge officieux et utile pour lequel vous avez cru pouvoir indiquer l'exemple de Notre-Seigneur, qui dit que le Fils ignore le jour et l'heure de la fin du monde 1 , je prenais plaisir,, en vous lisant, aux efforts de votre esprit, mais il ne me paraît pas du tout qu'une locution figurée puisse s'appeler un mensonge. Ce n'est pas mentir que de dire qu'un jour est joyeux parce qu'il nous rend joyeux, ou que le lupin est triste parce que son amertume donne une expression de tristesse au visage de celui qui en goûte; ou de dire que Dieu sait quand il permet que l'homme connaisse; vous avez rappelé vous-même que cela a été dit à Abraham 2. Ce ne sont pas là des mensonges; vous le voyez aisément. C'est pourquoi le bienheureux Hilaire, expliquant ce passage obscur, y a reconnu un langage figuré; il nous fait entendre que le Seigneur n'a pas dit qu'il ignorât en lui-même « le jour et « l'heure, » mais qu'il l'ignorait en ceux à qui il voulait le cacher 3 ; et par là saint Hilaire n'a pas excusé un mensonge, il a montré qu'il n'y en avait pas, non-seulement dans ces tropes moins en usage, mais même dans la métaphore qui est une manière de parler connue de tous 4. Quelqu'un prétendra-t-il que c'est mentir que de dire que les vignes sont perlées, les moissons ondoyantes , les jeunes gens fleuris, par la raison qu'on ne voit ici ni perles ni ondes ni fleurs proprement dites?