19.
De quelle manière l'homme peut-il donc mériter la grâce, puisque aucun mérite ne saurait être en nous que l'oeuvre de la grâce, et que, lorsque Dieu couronne nos mérites, il ne couronne que ses dons? De même que, dès le commencement de notre foi, nous avons obtenu miséricorde, non point parce que nous étions fidèles, mais pour que nous le devinssions; ainsi, à la fin, où l'on entrera dans la vie éternelle, il nous couronnera, comme il est écrit, « dans sa compassion et sa miséricorde 1. » Ce n'est donc pas en vain qu'on chante à Dieu : « Sa miséricorde me préviendra 2; sa miséricorde me suivra 3. » Aussi la vie éternelle est elle-même une grâce. On la possédera sans fin à la fin de la vie, car elle est la récompense des mérites antérieurs; mais, comme par nous-mêmes nous aurions été impuissants à les accomplir et qu'il a fallu pour cela le secours de la grâce de Dieu, cette vie éternelle est accordée gratuitement : cela ne veut pas dire qu'elle ne soit pas le prix des mérites, mais parce ces mérites mêmes sont des dons de Dieu. C'est l'apôtre Paul, le grand défenseur de la grâce, qui appelle la vie éternelle une grâce. « La mort, dit-il, est la solde du péché; mais la vie éternelle est une grâce de Dieu dans Notre-Seigneur Jésus-Christ 4. »