35.
1orsque nous pressons ainsi nos contradicteurs, il faut voir dans quels abîmes ils se précipitent pour échapper aux filets de la vérité. «Dieu, disent-ils, haïssait l'un et aimait l'autre avant qu'ils fussent nés, parce qu'il prévoyait leurs couvres futures. » Qui n'admirerait que l'Apôtre n'ait pas trouvé une aussi ingénieuse explication ? Il ne l'a pas vue quand il s'est proposé lui-même l'objection à laquelle on veut ici répondre; il ne s'est pas douté de quelque chose de si court, de si clair, de si vrai et de si décisif, selon nos adversaires. Il venait de se proposer une chose étonnante pourquoi, sur deux enfants qui n'étaient pas encore nés et ne pouvaient faire ni bien ni mal, Dieu avait aimé l'un et haï l'autre? Exprimant alors la surprise que peut faire naître une telle question : « Que dirons-nous, demande-t-il? Y a-t-il en Dieu de l'injustice? Loin de là. » C'est bien ici qu'il aurait dû dire, comme nos adversaires: « Dieu prévoyait les oeuvres futures en assujétissant l'aîné au plus jeune. » Il ne s'en est pas avisé; mais pour que nul n'osât se glorifier de ses propres oeuvres, il veut que ce qu'il a dit serve à relever la grâce et la gloire de Dieu. Après qu'il a dit : « loin de nous la pensée qu'il y ait de l'injustice en Dieu ! » nous lui demandons en quelque sorte comment il nous montre que l'assujétissement de l'aîné au plus jeune ne vient pas des oeuvres mais de la vocation , et il répond : « C'est que le Seigneur a dit à Moïse : « J'aurai pitié de qui il me plaira d'avoir pitié, et je ferai miséricorde à qui il me plaira de faire miséricorde. Cela ne dépend donc ni de celui qui veut ni de celui qui court, mais de la seule miséricorde de Dieu 1. » Où sont maintenant les mérites? où sont les oeuvres passées ou futures que les forces du libre arbitre ont dû ou doivent accomplir? L'Apôtre pouvait-il s'expliquer plus clairement sur la gratuité de la grâce, c'est-à-dire sur la véritable grâce ? Dieu ne change-t-il pas en folie la sagesse des hérétiques?
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Rom. IX, 16. ↩