1.
Vous ne m'avez pas trouvé indigne de l'honneur d'un de vos divins entretiens ; j'en suis heureux, et je me sens comme illuminé par la pure lumière de votre vertu. Niais, en me demandant de répondre à vos questions, en ce temps-ci et sur de telles matières, vous imposez un pesant fardeau et une charge difficile à un homme de mon opinion, à un païen comme moi. Depuis longtemps, il est en partie convenu entre nous (et il le serait chaque jour davantage dans nos lettres), qu'il y a beaucoup de questions à examiner: je ne parle pas seulement de ce qu'on trouve dans Socrate, dans vos prophètes- et dans quelques-uns de vos Hébreux, ô véritablement le meilleur des Romains 1 ! mais je parle aussi d'Orphée, d'Agèse et de Trismégiste, beaucoup plus anciens que tous ceux-là : ils naquirent des dieux aux premiers temps, et les dieux se servirent d'eux pour révéler la vérité aux trois parties du monde, avant que l'Europe eût un nom, que l'Asie en reçut un, et que la Libye possédât un homme de bien comme vous l'avez été et le serez toujours. Car, de mémoire d'homme, à moins que la fiction de Xénophon ne vous paraisse une réalité, je n'ai trouvé dans ce que j'ai entendu, lu ou vu, (j'en prends Dieu à témoin et sans danger pour moi), je n'ai trouvé, je le jure, personne, ou s'il en est un, personne après lui, qui, autant que vous, s'efforce de connaître Dieu et puisse aussi facilement y atteindre, par la pureté de l'âme et le renoncement aux choses du corps , par l'espoir d'une belle conscience et par une ferme croyance.
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Dans la bouche d'un païen du temps de saint Augustin, le nom de romain désignait un chrétien. Dans la bouche des arabes de l'Afrique, roumi veut encore dire chrétien. Un vague et lointain souvenir d'un roumi Kebir (un grand chrétien) est resté dans la mémoire des arabes du pays d'Hippone. ↩