2.
Et depuis que je cessai de désirer les biens humains , votre persistante amitié me souhaitait la santé et les félicités temporelles, comme le monde a coutume de le faire. C'est ainsi que notre union se continuait pour les choses de ce monde. Quelle est ma joie maintenant, et comment l'exprimer? J'ai à présent pour ami véritable celui que j'ai eu longtemps pour ami d'une certaine manière. Il se joint à nos sentiments l'accord sur les choses divines; ce n'est pas uniquement dans la vie présente que votre douce bienveillance est désormais avec moi, c'est par l'espérance de la vie éternelle. Vues de la hauteur des pensées de Dieu, les choses humaines ne sauraient plus être entre nous le sujet d'opinions différentes; nous ne les prendrons que pour ce qu'elles valent; nous ne les condamnerons pas toutefois avec ce certain mépris qui serait injurieux pour le Créateur du ciel et de la terre. Ainsi il arrive que des :unis, en désaccord sur les choses divines , ne peuvent plus être pleinement et véritablement d'accord sur les choses humaines. Il est impossible qu'on juge bien de celles-ci quand on méprise celles-là, et qu'on aime l'homme comme il faut l'aimer, lorsqu'on est sans amour pour celui qui a fait l'homme. Je ne vous dirai donc pas que vous n'étiez mon ami qu'à moitié, et que maintenant vous l'êtes tout a fait; mais, autant que la raison me le montre, vous n'étiez pas même mon ami à moitié, quand vous ne m'aimiez pas véritablement, même en ce qui touche les choses humaines. Car vous n'étiez pas encore avec moi dans les choses divines, par lesquelles on juge bien des choses humaines; vous n'y étiez point à l'époque ou je n'y étais pas moi-même, ni depuis que j'ai commencé à goûter ces vérités pour lesquelles vous ne témoigniez que de l'éloignement.