7.
Il ne faut pas s'étonner qu'une âme ne puisse se figurer et se représenter même confusément les divers objets de la nature au milieu desquels elle vit, sans les avoir perçus par les sens. Nous aussi, avant que l'indignation, la joie et tant d'autres mouvements de l'âme portent sur notre visage et dans tous nos membres leurs visibles et nombreuses expressions, nous avons besoin que notre pensée soit frappée de la cause qui peut les produire. Elles se forment ensuite par des modes merveilleux que je vous invite à méditer, lorsque les ressorts secrets et harmonieux de notre âme agissent librement et sans dissimulation.
Je veux que vous compreniez ici qu'au milieu de tant de mouvements intérieurs et séparés de toutes ces images sur lesquelles vous m'interrogez, il est évident qu'un corps n'est pas échu à l'âme par la pensée des formes sensibles; car je ne crois pas qu'il lui soit possible de les sentir avant de s'être servi de son corps et de .ses sens. C'est pourquoi, trés-cher et très-aimable ami, au nom de notre affection mutuelle et de cette fidélité que Dieu nous commande, je vous exhorte sérieusement à ne contracter aucune amitié avec ces ombres de la région des abîmes 1, et à rompre sans hésiter les liens de ce genre que vous auriez. On ne peut résister aux sens, comme notre loi sacrée nous le prescrit, quand on flatte les plaies et les blessures qu'ils ont faites à notre âme.
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Les fantômes des Manichéens. ↩