8.
Faut-il, à cause de cela, condamner l'Église universelle, qui exige qu'on soit à jeun pour recevoir l'Eucharistie ? Depuis ce temps, le Saint-Esprit a voulu que, pour honorer un si grand sacrement, le corps du Sauveur entrât dans la bouche d'un chrétien avant toute autre nourriture; c'est pourquoi cette coutume est observée dans tout l'univers. Le Seigneur ne donna le sacrement à ses disciples qu'après qu'ils eurent mangé; mais ce n'est pas une raison pour que les chrétiens mangent d'abord, avant de se réunir pour recevoir le sacrement, ou qu'ils mêlent à leur repas l'Eucharistie, comme faisaient ceux que l'Apôtre reprend et blâme. Ce fut afin de leur faire plus fortement sentir la grandeur de ce mystère et de le mettre plus profondément dans leur coeur et leur mémoire , que le Sauveur l'institua, comme un adieu à ses disciples, avant de se séparer d'eux pour aller à sa Passion. Il ne prescrivit point comment on devait recevoir l'Eucharistie; il en réservait le soin à ses apôtres, par qui il devait établir les Eglises. Si le Sauveur eût entendu que les chrétiens dussent recevoir la communion après toute autre nourriture, je crois qu'il ne serait venu à l'esprit de personne de changer cet usage. L'Apôtre dit, il est vrai, en parlant de ce sacrement : « C'est pourquoi, mes frères, quand vous vous réunissez pour manger, attendez vous les uns les autres. Si quelqu'un est pressé par la faim, qu'il mange dans sa maison, afin que vous ne vous assembliez pas pour votre condamnation. » Mais il ajoute aussitôt : « Je réglerai le reste à mon retour au milieu de vous 1. » D'où l'on peut conclure qu'à l'égard de la communion, cet usage, que nulle différence de coutumes ne peut changer, a été prescrit par l'Apôtre lui-même, qui ne pouvait guère établir dans une lettre tout ce qu'observe l'Église universelle.
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I Cor. XI, 33, 34. ↩