10.
Mais si je me trompe et s'il se présente dans ces peuples quelqu'un d'assez ridiculement curieux et d'assez insupportable pour vous questionner à ce sujet, ne craignez-vous pas plutôt qu'il ne s'en présente plus aisément d'autres qui, vous voyant en Grèce et sachant que la langue grecque a été la langue de votre berceau, vous interrogeront sur les livres mêmes des philosophes dont Cicéron n'a rien mis dans les siens ? et si cela arrive, que répondrez-vous? Direz-vous que vous avez mieux aimé d'abord lire cela dans les auteurs latins que dans les auteurs grecs? vous feriez ainsi injure à la Grèce, et vous savez combien les Grecs sont chatouilleux à cet égard. Mécontents et blessés, ils penseront bien vite, comme vous le craignez trop, que vous êtes bien borné d'avoir préféré étudier, par extraits et par morceaux, les doctrines des philosophes grecs dans les dialogues latins, plutôt que d'en avoir cherché et pris l'ensemble dans les livres mêmes de leurs auteurs; ils vous traiteront aussi d'ignorant, parce que, ne sachant pas tant de choses dans votre langue, vous les étudiez et les cherchez dans des fragments reproduits par des étrangers. Répondrez-vous que vous ne dédaignez pas les ouvrages des Grecs en pareille matière, mais que vous avez voulu d'abord connaître les Latins, et que maintenant, instruit de ce côté, vous allez vous mettre aux livres grecs? Mais si un Grec comme vous n'a pas honte d'avoir commencé enfant parles ouvrages latins et de vouloir maintenant apprendre les ouvrages grecs comme un barbare, pourrez-vous avoir honte d'ignorer, dans les auteurs latins eux-mêmes, des choses que tant de Latins instruits ignorent avec vous? car vous êtes à Carthage au milieu d'une foule d'hommes versés dans les lettres latines, et pourtant vous vous êtes cru grandement obligé de venir m'importuner à Hippone par vos questions.