27.
Si donc la connaissance d'un homme quai a peut-être vu la vérité ne doit pas nous enfler de façon à nous faire croire que nous soyons des savants, et si même nous n'avons pas à nous vanter d'une solide notion du vrai qui puisse réellement nous rendre savants, de quel moindre secours doivent être pour notre doctrine les noms et les enseignements des hommes qui sont tombés dans le faux, et comment pourraient-ils nous révéler les choses cachées? Hommes, il nous conviendrait bien plus de déplorer les erreurs de tant d'hommes illustres lorsqu'on en parle devant nous, que d'en faire l'objet de nos studieuses recherches, pour faire parade de ces inutilités au milieu de ceux qui les ignorent. Combien ne vaudrait-il pas mieux que je n'eusse jamais entendu prononcer le nom de Démocrite, que d'avoir la douleur de penser que ce philosophe, dont ses contemporains firent je ne sais quel grand homme, professait sur l'origine des dieux de si étranges opinions ! Il croyait que les dieux étaient des images provenant de corps solides sans être solides elles-mêmes, et que ces images, en tournant çà et là de leur propre mouvement et en s'insinuant dans les esprits des hommes, leur donnaient l'idée de la force divine : il est pourtant évident que ce corps d'où coulerait l'image l'emporterait sur elle, en raison même de sa solidité. Aussi le sentiment de Démocrite, d'après ce qu'on dit, a été flottant et incertain; parfois il appelait Dieu une certaine nature d'où coulaient les images; (230) mais ce Dieu ne pouvait se concevoir qu'à l'aide de ces images qu'il répand et laisse échapper; elles sortent, pareilles à une continuelle émanation de vapeur, de cette nature que le philosophe se représente comme je ne sais quoi de corporel, d'éternel et de divin à cause de cela; elles vont et viennent et entrent dans nos esprits pour que la pensée de Dieu ou des dieux puisse se retracer en nous. Les gens de cette école n'assignent pas à nos pensées, quelles qu'elles soient, d'autre origine que le mouvement continuel de ces pénétrantes images; comme si, pour des esprits accoutumés à des spéculations plus hautes, il n'y. avait pas beaucoup de pensées, d'innombrables pensées qui n'ont rien de commun avec les corps et appartiennent à la pure intelligence, comme la sagesse elle-même et la vérité. Si ces philosophes-là n'ont pas l'idée de la sagesse et de la vérité, je m'étonne qu'ils en fassent le sujet de leurs disputes; s'ils en ont quelque idée, je voudrais qu'ils me dissent de quel corps s'échappe ou ce que c'est que l'image de la vérité qui vient dans leur esprit.