2.
Comme je m'exprimais un jour aussi sévèrement que possible sur la triste et déplorable coutume des gens de ce pays qui se disent chrétiens, de rebaptiser des chrétiens, vous ne manquâtes pas d'amis qui dirent à votre louange que vous ne faisiez rien de pareil. J'avoue que je commençai d'abord par ne pas le croire. Considérant ensuite que la crainte de Dieu pouvait saisir une âme humaine occupée de la vie future, et la détourner de ce qui est si évidemment un crime, je le crus, et vous félicitai d'avoir voulu par là ne pas trop vous éloigner de l'Eglise catholique. Je cherchais une occasion de parler avec vous, afin d'effacer, si c'était possible, le petit désaccord qui restait entre nous, lorsque, il y a peu de jours, on m'annonça que vous aviez rebaptisé notre diacre de Mutugenne 1. Je fus violemment affligé et de la malheureuse chute de ce diacre et de votre crime si imprévu, ô mon frère Je sais ce que c'est que l'Eglise catholique : les nations sont l'héritage du Christ, et son royaume n'a pour limites que les limites de la terre. Vous le savez, vous aussi, et, si vous l'ignorez, apprenez-le ; cela est facile lorsqu'on le veut. Rebaptiser un hérétique déjà marqué de ce sceau de sainteté qui est une tradition de la discipline chrétienne, c'est tout à fait un péché; mais rebaptiser un catholique, c'est un crime énorme. Cependant je refusais encore d'y croire parce que j'avais bonne. opinion de vous, et j'allai moi-même à Mutugenne ; je ne pus voir le malheureux, mais j'appris;de ses parents que vous en aviez fait un diacre de votre secte. Et en ce moment encore, je suis si prévenu en votre faveur, que je ne puis croire que vous l'ayez rebaptisé.
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L'emplacement précis de Mutugenne ne nous est pas connu, mais c'était évidemment dans le voisinage d'Hippone. On sait que les restes d'Hippone se trouvent à un quart de lieue de la villa de Bône. Voyez notre Voyage en Algérie (Etudes africaines), chap. XI. ↩