52.
Les êtres ne furent donc point créés avec cette lenteur qui caractérise aujourd'hui leur existence; les générations, au début, ne mirent point à se former tout le temps qu'elles durent maintenant. En effet, le temps accomplit aujourd'hui des révolutions qui, à l'origine, ne pouvaient être la conséquence de sa nature. Autrement, si nous voulions voir dans les mouvements naturels des êtres et dans les jours actuels la même durée que dans la création primitive, ce ne serait plus un jour, mais une foule de jours qu'aurait exigés pour se développer, dans l'intérieur de la terre, la végétation aux racines sans nombre qui tapisse le sol: il aurait encore fallu plusieurs jours pour lui permettre de se développer en plein air, selon la variété des espèces, et d'acquérir la perfection qu'elle atteignit en un jour, c'est-à-dire, le troisième, d'après le récit de l’Ecriture sainte. Combien de jours ne fallut-il pas aux oiseaux pour être capables de voler, s'ils furent créés petits encore et s'ils attendirent, pour avoir leurs plumes et leurs ailes, le temps qu’exige aujourd'hui la nature ? N'y avait-il que les oeufs de créés, quand, au cinquième jour, les eaux reçurent le commandement de laisser sortir de leur sein les oiseaux avec toutes leurs variétés? Si, pour appuyer cette assertion, on fait observer avec justesse que dans la partie liquide des oeufs étaient déjà renfermés tous les germes qui se fécondent et se développent en un temps déterminé, par la raison que les principes de la vie étaient déjà mêlés à la matière ; pourquoi ne pas admettre qu'antérieurement aux oeufs mêmes, l'eau contenait déjà les germes dont les oiseaux devaient sortir, en se développant dans la période de temps qu'exige leur espèce? La même Écriture qui raconte que Dieu acheva toutes ses oeuvres en six jours, dit ailleurs, sans se contredire, que Dieu a créé tout ensemble 1. Par conséquent, Dieu ayant tout fait ensemble, a créé à la fois la période des six ou des sept jours, disons mieux, a créé un jour qui s'est renouvelé six ou sept fois. Pourquoi donc distinguer avec tant de rigueur et de précision six jours dans le récit sacré? La raison en est claire : les esprits qui ne sauraient comprendre « que Dieu ait tout créé ensemble, » ne peuvent atteindre le but où l'Ecriture les mène, qu'au moyen d'un récit aussi lent que leur intelligence.
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Eccli. XVIII, 1. ↩