CLXI. (Ib. XLVII, 29.)
Recommandation de Jacob relativement à sa sépulture. — Sur le point de mourir, Jacob dit à son fils Joseph: « Si j'ai trouvé grâce devant toi, mets ta main sous ma cuisse, et jure-moi que tu agiras selon la miséricorde et la vérité. » Jacob lie son fils du même serment dont Abraham lia son serviteur 1; celui-ci, en disant d'où il fallait ramener une épouse à son fils; celui-là, en recommandant la sépulture de son corps. Dans ces deux circonstances se trouvent nommées en même temps deux choses qui méritent une attention et un intérêt particuliers, en quelqu'endroit des Ecriture qu'on les retrouve; tantôt elles se nomment la miséricorde et la justice, tantôt la miséricorde et la vérité; il est écrit en effet quelque part : « Toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité 2. » Ainsi ces deux choses si recommandables doivent être prises en grande considération. Or, le serviteur d'Abraham avait dit : « Si vous exercez envers mon maître la miséricorde et la justice 3 ; » et Jacob, à son tour, dit à son fils : « Afin que tu exerces envers moi la miséricorde et la vérité. » Mais d'où vient que ce grand homme recommande avec tant de sollicitude que son corps, au lieu d'être enterré en Egypte, soit déposé dans la terre de Chanaan auprès de ses pères? Il y a là quelque chose de surprenant, et même, à juger ce fait d'après des idées tout humaines, cela paraît presque absurde et peu digne d'un âme à la fois si grande et si remplie de l'esprit prophétique. Mais si l'on approfondit les mystères cachés dans toutes ces choses, plus grande sera la joie et l'admiration de celui qui les aura découverts. Or, dans la Loi, les cadavres des morts, cela ne fait point de doute, sont la figure du péché : car elle ordonne à ceux qui les ont touchés, ou qui ont eu avec eux quelque contact, de s'en purifier comme d'une souillure. De là ce commandement : «Si celui qui se lave après avoir touché un mort, le touche de nouveau de quoi lui sert de s'être lavé? De même, que sert à un homme de jeûner après avoir péché, si en avançant il retombe de nouveau dans les mêmes fautes 4? » La sépulture des morts signifie donc la rémission des péchés, et ici s'applique à propos ce mot des Psaumes : « Heureux ceux dont les iniquités sont remises et les péchés couverts 5. » Puisque la sépulture des Patriarches figurait le pardon des péchés, où devait donc. avoir lieu cette sépulture, sinon dans la terre où fut mis en croix. Celui dont le sang nous a rachetés du péché? Car la mort des Patriarches était la figure des péchés . des hommes. Or, du lieu où fut crucifié le Seigneur, ;jusqu'à celui qui porte le nom d'Abraham, où sont enterrés les corps des Patriarches, il y a, dit-on, la distance de presque trente milles; ce nombre lui-même signifie celui qui vint recevoir le baptême vers l'âge de trente ans. On peut, sur ce sujet, découvrir encore d'autres mystères, ou analogues ou plus sublimes, en partant toutefois de ce principe, que des hommes de Dieu, d'un mérité si relevé, n'ont pas sans raison donné tant de soin à la sépulture de leurs corps; au reste, en quelque lieu que leurs corps soient enterrés, ou même quand dans sa rage un persécuteur les laisserait sans sépulture, on les déchirerait et les anéantirait au gré de sa passion, les fidèles sont et doivent être assurés que leur résurrection future n'en sera pour cela ni moins parfaite ni moins glorieuse.