XC. (Ib. XXIII 19.)
L'agneau ne doit pas être cuit DANS LE LAIT DE SA MÈRE. — « Tu ne feras pas cuire l'agneau dans le lait de sa mère. » Est-il possible de prendre ce passage dans le sens propre et littéral, je n'en sais vraiment rien. Car si l'on admet que la défense de faire cuire l'agneau dans le lait symbolise quelque mystère, je réponds que l'usage de cuire un agneau dans le lait n'existe nulle part. Et si l'on veut que ces mots signifient : pendant qu'il est encore à la mamelle, quel est, observerai-je, le Juif qui a jamais attendu, pour faire cuire un agneau, qu'il cessât de téter? Mais que signifie : dans le lait de sa mère; est-ce que, en admettant ce dernier sens, la loi ne serait pas transgressée si l'agneau, que l'on fait cuire ayant perdu sa mère, était allaité par une autre brebis ? Il n'est personne qui ne reconnaisse à cette loi un sens figuratif. Les prescriptions mêmes qui peuvent être observées à la lettre, n'ont pas été commandées sans motif; elles ont leur signification. Ici je ne vois pas quel sens littéral a, ou pourrait avoir ce commandement. Cependant j'admets l'interprétation, qui y voit une prophétie relative à Jésus-Christ : il ne devait pas, dans son enfance, être mis à mort par les Juifs, mais échapper aussi à la cruauté d'Hérode, qui cherchait à le faire mourir 1; alors cette expression. : « Tu feras cuire » désignerait le feu de la Passion, en d'autres termes, la tribulation. L'Ecriture ne dit-elle pas, en effet: « La fournaise éprouve les vases du potier, et l'épreuve de la tribulation, les hommes justes 2. » Comme Jésus-Christ n'a point souffert dans son enfance, lorsque poursuivi par Hérode il semblait sur le point de succomber au danger,, on doit reconnaître une prédiction de cet évènement dans ces paroles : « Tu ne feras pas cuire « l'agneau dans le lait de sa mère. » Il ne serait peut-être pas non plus déraisonnable d'admettre, avec certains commentateurs, que le Prophète a voulu, par ce commandement, empêcher les vrais Israëlites de s'associer aux mauvais Juifs, qui ont fait souffrir le Christ. Comme un agneau dans le lait de sa mère, c'est-à-dire, au jour anniversaire de sa conception. On dit en effet des femmes que, du jour où elles ont conçu., elles amassent du lait. Or, la conception et la passion du Christ ont eu lieu dans le même mois, comme l'attestent la célébration de la Pâque et le grand jour, si connu dans les églises, consacré à la fête de sa Nativité. Venu au monde au terme des neuf mois, le huit de calendes de Janvier, il a été conçu nécessairement vers le huit des calendes d'Avril; or ce fut aussi dans ce temps qu'eut lieu sa passion, dans le lait de sa mère, c’est-à-dire au temps ou sa mère vivait encore.