6.
Voyez, mes frères, combien de choses nous devons laisser de côté, parce qu'elles ne sont pas notre fin. Nous nous en servons, comme feraient des voyageurs : nous les employons à nous restaurer, comme si nous nous trouvions de passage dans une hôtellerie; puis nous les négligeons. Où est donc notre fin? « Mes bien-aimés, nous sommes les enfants de Dieu, et ce que nous serons plus tard n'a point encore paru1 ». Cette épître elle-même nous en avertit. Nous sommes donc encore en chemin, et n'importe où nous arrivions, nous devons encore passer outre, jusqu'à ce que nous soyons parvenus à une certaine fin. « Nous savons que quand il viendra dans sa gloire, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est2 ». Voilà la fin ; il y aura là une perpétuelle louange ; là, on chantera, sans cesser jamais, un éternel Alleluia. C'est de cette fin que le Psalmiste dit : « J'ai vu la fin de toute consommation3 ». Et comme si on lui demandait : Quelle est cette fin que tu as vue? il continue .« Votre commandement est singulièrement étendu ». Voilà la fin : l'étendue du commandement, c'est la charité, car où se trouve la charité, il n'y a pas de bornes. L'Apôtre était dans cet espace sans limites, quand il disait : « O Corinthiens, ma bouche s'ouvre et mon coeur se dilate vers vous vous n'êtes point à l'étroit dans mon coeur4 » . Par conséquent, « votre commandement est singulièrement étendu ». Quel est ce commandement si vaste? « Je vous donne un commandement nouveau, c'est de vous aimer les uns les autres ». La charité n'est donc point circonscrite par des limites. Veux-tu ne pas te trouver à l'étroit sur la terre ? Habite au large. N'importe ce que puisse te faire un homme, il lui est impossible de te tenir à l'étroit, parce que tu aimes ce à quoi un homme ne peut nuire : tu aimes Dieu, ta fraternité, la loi divine, l'Église du Christ tout cela est éternel. Tu travailles sur la terre, mais tu recueilleras le fruit promis à ton travail. Qui peut t'enlever ce que tu aimes? Puisque personne ne peut t'enlever l'objet de tes affections, tu dors donc en toute sécurité : ou plutôt, tu veilles tranquille, dans la crainte de perdre, en dormant, ce que tu aimes. Ce n'est pas sans raison que le Prophète a dit « Illuminez mes yeux, de peur que je ne m'endorme un jour dans la mort5 ». Ceux qui ferment les yeux à l'encontre de la charité, s'endorment dans les désirs des passions charnelles. Tiens-toi donc éveillé. Les convoitises charnelles consistent à manger, à boire, à se livrer à la luxure, à jouer, à aller à la chasse ; à la- suite de toutes ces vaines pompes marchent tous les maux. Ne savons-nous pas que ce sont là des convoitises ? Qui oserait nier leur influence sur le coeur humain? Mais par-dessus tout cela, il faut aimer la loi de Dieu. Elève la voix contre de tels conseillers : « Les impies m'ont raconté leurs fables; mais, Seigneur, elles ne sont pas comme votre loi6». Le plaisir que procure cette loi, demeure toujours ; non-seulement il se trouve où tu diriges tes pas, mais il te rappelle au but, lorsque tu t'en éloignes.