LXXII.
« Que toute âme soit soumise aux puissances supérieures : car il n'y a point de puissance qui ne vienne de Dieu 1. » Avertissement très-sage. Le Seigneur nous a appelés à la liberté et élevés à la dignité de chrétiens ; mais nous ne devons pas pour cela nous enfler d'orgueil ni penser que, durant notre passage sur la terre, nous ne sommes.pas tenus de remplir les devoirs de notre condition ; nous ne devons pas nous croire indépendants des puissances suprêmes qui ont reçu pour la vie présente le gouvernement des choses temporelles. Car nous sommes composés d'une âme et d'un corps, et, tant que nous sommes dans cette vie passagère, nous usons des choses temporelles pour conserver notre existence; conséquemment nous devons, pour ce qui a rapport à cette vie, nous soumettre aux -puissances, c'est-à-dire aux hommes qui gouvernent les choses humaines, entourés de quelques honneurs. Mais en tant que nous croyons en Dieu et que nous sommes appelés à son royaume, nous ne devons être soumis à aucun homme ayant la prétention de détruire en nous ce que Dieu a daigné nous donner pour la vie éternelle. Si donc on se croit, parce qu'on est chrétien, dispensé de payer l'impôt ou le tribut, ou bien encore de rendre aux puissances chargées de ces intérêts temporels l'honneur qui leur est dû, on est dans une grande erreur. Mais aussi si on regarde cette soumission comme si étendue que la foi elle-même dépende de ceux qui sont élevés à une dignité quelconque dans le gouvernement temporel, on tombe dans une erreur encore plus grande. Il faut donc garder la mesure que le Seigneur lui-même nous prescrit, rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu 2. Car, quoique nous soyons appelés à ee royaume où il n'y aura plus aucune puissance semblable, néanmoins, tant que nous sommes voyageurs ici-bas, et jusqu'à ce que nous soyons entrés dans cette vie où toute principauté et toute puissance disparaît, supportons notre condition par respect pour l'ordre des choses humaines; n'agissons jamais avec dissimulation ; et jusque dans cette soumission regardons moins encore les hommes, que Dieu qui nous le commande.