8.
«Aussi», dit le Psalmiste, «Dieu vous a-t-il béni éternellement ». Il est bien difficile de comprendre que Dieu le Père dise à son Fils: « Aussi le Seigneur vous a-t-il béni pour l’éternité ». Il serait plus aisé d’attribuer cette parole au Prophète; on trouve en effet dans les saintes Ecritures ces changements de personnes, si brusques et si inattendus; pour le lecteur attentif, les pages sacrées en sont pleines : «Seigneur, délivrez mon âme des lèvres injustes, des langues menteuses » et aussitôt : « Que vous donner, comment ce vous défendre contre les langues trompeuses ? » C’est une personne au premier verset, une autre personne au second; l’une prie, l’autre vient au secours. « Elles sont ce aiguës les flèches de l’homme puissant, elles dévorent comme la flamme ». C’est une personne, autre encore que celle-ci : « Que vous donner, et comment vous défendre ? » puis en vient une autre encore pour nous dire: «Hélas ! combien mon exil est long à mon impatience ». Tant de changements dans si peu de versets stimulent notre attention : l’Ecriture n’en marque point l’endroit, elle ne nous dit point : Cette parole est d’un homme, cette autre de Dieu ; mais elle nous force à chercher dans les paroles ce qui est de l’homme et ce qui est de Dieu. C’est un homme qui disait: « Une bonne parole s’est échappée de mon coeur, c’est au Roi que je dis mes oeuvres ». Voilà ce que disait l’homme, ce que disait l’écrivain du psaume, mais il le disait dans la personne de Dieu :
c’est en son propre nom qu’il commence à dire : «C’est pour cela que Dieu t’a béni pour l’éternité ». Car Dieu avait dit : «La grâce est épanouie sur vos lèvres1 », à celui qu’il avait fait plus beau que les enfants des hommes, à cet homme que l’Eternel avait engendré éternellement comme Dieu. Le Prophète est donc plein d’une joie ineffable; et, considérant tout ce que Dieu le Père a révélé de son Fils à un homme qui a pu parler ainsi au nom de Dieu, il s’écrie: « Aussi Dieu vous a-t-il béni pour l’éternité». Pourquoi? A cause de la grâce. Et où tend cette grâce? Au royaume des cieux. Le premier Testament avait promis la terre ; et autre fut la récompense ou la promesse de Dieu à ceux qui vivaient sous la loi, autre à ceux qui vivent sous la grâce ; aux Juifs placés sous la loi, la terre de Chanaan; à ceux qui vivent sous la grâce, le royaume des cieux. C’est pourquoi ce royaume, qui appartenait à ceux qui vivaient sous la loi, a passé avec la terre; mais le royaume du ciel, promis à ceux qui vivent sous la grâce, ne passe point. C’est pour cela, dit le Prophète, ce que Dieu vous a bénis, non pour un temps, mais ce pour l’éternité ».
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Ps. CXIX, 2,5. ↩