10.
« Il vous bénira si vous lui faites du bien e ». Qu’il n’en soit pas ainsi de vous, mes frères; considérez que, si je vous tiens ce langage, si nous chantons ce psaume, si je me fatigue à vous l’expliquer, c’est pour vous détourner d’en agir de la sorte. Vos occupations deviennent pour vous une épreuve : souvent dans votre négoce vous entendez la vérité, et alors vous blasphémez, vos blasphèmes retombent sur l’Eglise. Pourquoi? parce que vous êtes chrétiens. S’il en est ainsi, je vais chez Donat, direz-vous, je veux me faire païen. Pourquoi? Parce que vous avez touché le pain du bout des dents, et que vos dents étaient agacées. A la vue de ce pain, vous le vantiez : vous y avez mis la dent et vous l’avez sentie endolorie; c’est-à-dire que vous applaudissez en écoutant la parole de Dieu, mais que vous blasphémez, quand on vous dit : Faites ceci. N’agissez plus de la sorte ; dites plutôt : Ce pain est excellent, mais je ne puis en manger; au lieu que maintenant tu le bénis en le voyant des yeux, et tu te récries:
Qu’il est mauvais ! qui donc l’a fait? dès que tu en goûtes. Par cette conduite tu bénis Dieu quand il te fait du bien; et pour toi, dire : «Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sera toujours en ma bouche1 », c’est là un véritable mensonge. Ce que chantent vos lèvres doit aussi sortir de votre coeur. Tu as chanté dans l’Eglise : « Je bénirai le Seigneur en tout temps ». Comment en tout temps? s’il t’arrive en tout temps quelque gain, tu le bénis en tout temps ; mais qu’un jour arrive la perte, et alors aussi arrive le blasphème, et non la louange : est-ce bien là le bénir en tout temps? est-ce bien là sa louange qui est toujours dans ta bouche? Tu ressemblerais à celui dont le Prophète a dit : « Il vous bénira, Seigneur, quand vous lui aurez fait quelque bien ».
-
Ps. XXXIII, 2. ↩