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Works Augustine of Hippo (354-430) Discours sur les Psaumes
DISCOURS SUR LE PSAUME LIV.

8.

« La crainte et le tremblement m’ont saisi, et je me suis trouvé plongé dans les ténèbres, et j’ai dit1 » Celui qui déteste son frère est encore dans les ténèbres ; car si la charité est lumière, la haine est ténèbres2. Quel langage se tient à lui-même l’homme qui est tombé dans cette faiblesse, et qui se sent troublé dans son exercice? « Qui est-ce « qui me donnera des ailes comme à la colombe? Je m’envolerai et je me reposerai ». L’objet de ses désirs, c’était la mort ou la solitude. Tant que je suis en cette vie, dit-il, et qu’on me commande d’aimer mes ennemis, je sens que les outrages, toujours nouveaux, dont ils m’accablent et me noircissent, troublent mes yeux, affaiblissent ma vue, pénètrent jusque dans mon coeur, et donnent la mort à mon âme. Je voudrais m’éloigner dans la crainte d’ajouter à mes péchés de nouvelles fautes, si je continuais à demeurer ici ; mais je suis faible. Je désirerais, du moins, me voir séparé davantage du reste des hommes, afin que mes plaies ne se rouvrent point sous le coup de nouvelles blessures, et que, rendu à la santé, je puisse me livrer encore à mon exercice. Voilà ce qui arrive souvent, mes frères : et, d’ordinaire, le serviteur de Dieu voit surgir en son âme le désir de la solitude: la multitude de ses tribulations et des scandales qui frappent ses regards, en est le seul motif: voilà pourquoi il dit: « Qui est-ce qui me donnera des ailes? » Des ailes lui manquent-elles, ou plutôt, celles dont il est pourvu sont-elles liées ? S’il en manque, il faut qu’on lui en donne; s’il en a, il faut lui rendre la liberté de s’en servir. De celui qui délie les ailes d’un oiseau on peut dire indifféremment, ou qu’il les lui donne, ou qu’il les lui rend. L’oiseau qui ne peut se servir de ses ailes pour s’élever dans les airs, n’en a véritablement pas : et des ailes qui ne peuvent se mouvoir, sont à vrai dire un fardeau. « Qui est-ce», dit le Psalmiste, « qui me donnera des ailes comme à la colombe? Et je m’envolerai, et je me reposerai». Où se reposera-t-il?

Ces paroles ont un double sens; car l’Apôtre a dit : « Je désire mourir, et me trouver réuni au Christ, ce qui, sans aucun doute, est le plus avantageux». Malgré sa force, sa grandeur d’âme, son courage intrépide, quoiqu’il fût un intrépide soldat du Christ, saint Paul s’est troublé dans son exercice l’Ecriture en fait foi, car il a dit: « Que désormais personne ne m’inquiète3 ». On croirait qu’il a emprunté au Psalmiste ce passage : « L’ennui me saisit quand je vois les « pécheurs abandonner votre loi4 ».

Bien souvent un homme s’efforce de redresser ceux qui dépendent de lui, et dont les moeurs dépravées et corrompues inspirent à sa vigilance la plus vive sollicitude; mais souvent aussi son adresse et ses soins demeurent stériles ; alors, il faut qu’il les supporte, puisqu’il est incapable de les ramener au bien. Ce malheureux, qui résiste à tes généreux efforts, t’appartient, soit parce qu’il est homme comme toi, soit parce que d’ordinaire les liens de la communion ecclésiastique vous unissent ensemble. S’il est membre de la même Eglise, que feras-tu? En quel endroit te réfugier? Comment te séparer de lui pour n’avoir plus rien à supporter de sa part? Approche-toi de lui : adresse-lui la parole, exhorte-le, flatte-le, menace-le, réprimande-le. J’ai fait tout cela; j’ai dépensé, j’ai épuisé tout ce que j’avais de forces, et je ne vois pas que j’aie réussi en quelque chose; je suis à bout de ressources; il ne me reste donc qu’à gémir et à pleurer. En présence de l’inutilité de mes efforts, mon coeur pourra-t-il jamais trouver le repos? Je dirai donc : « Qui est-ce qui me donnera des ailes comme à la colombe? » « Comme à la colombe », et non point, comme au corbeau. La colombe cherche, en prenant son vol, à échapper à ceux qui la tourmentent; mais elle ne perd point pour cela la charité. Elle est le symbole de l’amour, et l’on aime à entendre ses cris plaintifs. Nul être n’est si ami des gémissements; elle se plaint nuit et jour: on dirait que Dieu l’a placée ici-bas parce qu’il faut y gémir. Quel est donc le langage de cet homme, au coeur duquel la charité ne s’éteint pas ? Je ne puis supporter les outrages des hommes; ils grincent des dents contre moi; la rage les transporte; la colère s’est allumée en eux, et, dans leur fureur, ils me noircissent ; je ne puis leur être utile; puissé-je donc goûter le repos quelque part, éloigné d’eux corporellement, mais uni de coeur à eux tous ! Puisse mon amour pour eux ne point s’ébranler en moi ! Mes paroles et mes entretiens leur sont inutiles : je leur ferai peut-être plus de bien par mes prières. Les hommes parlent ainsi; mais, d’habitude, ils se trouvent si étroitement liés, qu’ils sont incapables de prendre leur essor: ce n’est point la glu qui paralyse leurs ailes, c’est le devoir. Si le devoir et les exigences de leur charge les arrêtent, s’ils ne peuvent s’éloigner, ils sont, du moins, à même de dire avec saint Paul : « Je désirerais mourir et « me voir réuni au Christ: c’est ce qui m’est le plus avantageux; mais je dois encore rester en vie à cause de vous5 ». Pareil à une colombe que retient, non pas la passion, mais la charité, il ne pouvait s’envoler: il ne manquait pas de mérites pour cela : la nécessité de remplir son devoir y mettait seule obstacle. Néanmoins, le désir de la séparation doit toujours vivre dans notre coeur: celui-là seul le comprend, qui se trouve déjà engagé dans la voie étroite6; car il sait que les persécutions ne font pas défaut à l’Eglise, même en ce temps où elle semble se reposer tranquillement de toutes celles qu’ont subies les martyrs. Non, les persécutions ne manquent pas de nos jours, car elle est vraie cette parole de l’Apôtre : « Tous ceux qui veulent vivre avec piété dans le Christ, souffriront persécution7». Tu ne souffres pas persécution, c’est que tu ne veux pas vivre avec piété dans le Christ. Veux-tu la preuve de ce que tu as entendu tout à l’heure? Commence à vivre pieusement dans le Christ. Mais en quoi consiste cette vie pieuse ? A ressentir au dedans de toi-même la vérité de ces paroles de saint Paul, et à répéter: « Qui est-ce qui est faible, sans que je sois faible moi-même? Qui est-ce qui est scandalisé, sans que je me sente enflammé? » Les faiblesses et les scandales des autres, telles étaient les persécutions dont il avait à souffrir. Est-il maintenant nécessaire de demander, si, de nos jours, il y a des persécutions à souffrir? Ceux qui s’y trouvent exposés, disent que jamais elles n’ont été plus nombreuses. Souvent, quand on voit de loin un homme, on dit de lui : Celui-là est bien heureux. Pourquoi tient-on ce langage? Parce qu’on voit ses peines propres, sans voir celles d’autrui; ou bien, on n’a rien à souffrir et l’on ne compatit nullement aux douleurs qui tourmentent et consument les autres. Que l’on commence donc à vivre pieusement dans le Christ, et l’on sentira bientôt toute la vérité de ce que dit saint Paul, et l’on désirera avoir des ailes, et l’on voudra s’éloigner, s’enfuir et demeurer dans le désert.


  1. Ps. LIV, 6.  ↩

  2. I Jean, II, 9-11. ↩

  3. Gal. VI, 17.  ↩

  4. Ps. CXVIII, 55. ↩

  5. Phil. I, 23, 24.  ↩

  6. Matt. VII, 14.  ↩

  7. II Tim. III, 12. ↩

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