2.
Ce psaume n’est pas le seul à porter une pareille inscription : « N’altère pas » : ce titre est commun à quelques autres1, et néanmoins ils ont tous trait à la passion du Sauveur. Sachons donc y trouver une allusion aux souffrances de Jésus-Christ, et y reconnaître la parole de Jésus-Christ considéré comme chef et comme corps tout ensemble. Toujours ou presque toujours dans ce psaume nous devrons considérer les paroles du Rédempteur, d’abord comme celles de notre divin chef, de l’unique médiateur de Dieu et des hommes, de Jésus-Christ homme, qui, au commencement, était aussi en tant que Dieu le Verbe, Dieu en Dieu ; du Verbe qui a habité parmi nous après s’être fait chair2, qui est sorti, selon la chair de la race d’Abraham et de David, et qui est né de la Vierge Marie ; nous devrons aussi considérer ces paroles comme celles de Jésus-Christ tout entier, homme parfait, tout à la fois, chef et corps : car, nous dit l’Apôtre, « vous êtes le corps et les membres du Christ3». Saint Paul ajoute, en parlant de lui, qu’il est le Chef de l’Eglise4. S’il est notre chef, nous sommes ses membres : il est donc en même temps chef et corps. Parfois il arrive que certaines paroles ne peuvent être attribuées à Jésus-Christ comme chef, et si tu ne les rapportais pas au corps, tu ne pourrais en saisir parfaitement le sens : par une raison analogue, certaines autres paroles ne Conviennent pas au corps; et, pourtant, c’est le Christ qui les prononce. Y a-t-il là à craindre de se tromper? Non, car il suffit d’appliquer au chef ce qui ne peut convenir aux membres. Enfin, pendant qu’il était attaché à la croix, le Sauveur a parlé au nom de son corps « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné5? » Dieu ne l’avait pas abandonné, puisqu’il n’avait pas abandonné Dieu. Pourrait-on dire, en effet, que pour descendre jusqu’à nous, il s’était éloigné de son Père, ou qu’en nous l’envoyant, le coeur de son Père s’était écarté de lui? Non, mais l’homme avait abandonné Dieu, car Adam, après avoir péché, Adam autrefois si heureux quand il se trouvait en la présence du Seigneur, s’était éloigné de la source de son bonheur, épouvanté des reproches de sa conscience coupable6. Puisqu’il avait, le premier, abandonné Dieu, il était juste que Dieu l’abandonnât à son tour. Or, Jésus-Christ ayant puisé sa chair en Adam parlait au nom de l’humanité qu’il avait prise, car notre vieil homme a été attaché simultanément à la croix7.