3.
J’ai promis (Ci-dessus, Ps. VIII, n. 9 ), il m’en souvient, de considérer dans ce psaume comment la lune est une figure convenable de l’Eglise. Il y a deux opinions probables au sujet de la lune: savoir quelle est la véritable, c’est là ce qui est, selon moi, sinon impossible, du moins très difficile aux hommes. Si vous demandez d’où vient à la lune sa lumière, les uns répondent qu’elle a une lumière qui lui est propre, mais que son globe est moitié lumineux et moitié obscur, et qu’ainsi, dans sa révolution, la partie lumineuse se tourne peu à peu vers la terre, et devient visible ; c’est pourquoi elle nous apparaît d’abord comme un croissant. Car si vous prenez une sphère à moitié blanche, et à moitié noire, et que vous mettiez sous les yeux la partie noire, vous ne verrez rien de blanc, mais ensuite, commencez à tourner vers vous le côté blanc, et faites-le peu à peu, vous verrez cette face blanche apparaître d’abord comme un croissant, puis se développer peu à peu, jusqu’à ce que la face blanche vous apparaisse complètement, et ne laisse rien voir d’obscur. Continuez encore la révolution de votre sphère, et peu à peu la partie obscure se montrera, tandis que la partie blanche ira en diminuant, jusqu’à ce qu’elle redevienne un croissant, pour échapper bientôt à la vue, et ne laisser sous vos yeux que la partie obscure; c’est ce qui a lieu, nous dit-on, quand la lumière de la lune va toujours en augmentant jusqu’au quinzième jour, puis diminue jusqu’au trentième, redevient un croissant, puis bientôt nous dérobe complètement sa lumière. Dans cette opinion, la lune pourrait être la figure allégorique de l’Eglise, qui brille dans sa partie spirituelle, tandis qu’elle est obscure dans ses membres charnels ; et souvent ses oeuvres spirituelles la signalent aux hommes; souvent aussi ce côté spirituel se réfugie dans la conscience, où Dieu seul peut le voir, et ne laisse voir aux hommes que la face corporelle, comme il arrive quand nous prions intérieurement, sans aucune apparence extérieure, alors que nos coeurs ne sont plus à la terre, mais élevés à Dieu, selon qu’il nous est recommandé.
D’autres disent que la lune n’a point une lumière qui lui soit propre, et qu’elle la reçoit du soleil ; que quand elle est en face du soleil, elle nous présente le côté qui n’est point éclairé, et paraît ainsi sans lumière; mais qu’à mesure qu’elle s’éloigne du soleil, cette partie même qu’elle présentait à la terre est illuminée ; elle commence nécessairement comme un croissant, jusqu’au quinzième jour, qu’elle est complètement opposée au soleil: c’est alors qu’elle se lève quand le soleil se couche ; de sorte qu’un homme qui observerait le coucher du soleil, pourrait aussitôt qu’il le perd de vue, se tourner vers l’orient, et verrait la lune à son lever. Mais à mesure que la lune tend à se rapprocher du soleil, elle nous montre peu à peu sa face obscure, puis redevient un croissant, pour disparaître totalement ; car alors sa partie lumineuse est toute vers le ciel, tandis qu’elle ne montre à la terre que la face que le soleil ne saurait éclairer. Dans cette seconde opinion, la lune serait la figure de l’Eglise qui n’a point une lumière propre, car sa lumière lui vient de ce Fils unique de Dieu, appelé souvent dans les saintes Ecritures, Soleil de justice. Incapable de connaître et de voir ce Soleil invisible, certains hérétiques s’efforcent d’attirer les esprits simples et sensuels, au culte de ce soleil visible et corporel, qui éclaire les yeux des mouches aussi bien que les yeux corporels des hommes. Ils parviennent même à entraîner ceux qui, dans leur impuissance de découvrir des yeux de l’âme la lumière intérieure de la vérité, ne peuvent se con-tenter de la simplicité de la foi catholique; et pourtant il n’y a pour les faibles que ce moyen de salut, que ce lait qui puisse les fortifier et les rendre capables d’une plus solide nourriture. De ces deux opinions, quelle que soit la vraie, le nom allégorique de la lune convient parfaitement à l’Eglise. Toutefois, s’il nous répugne de nous engager dans ces obscurités plus pénibles qu’elles ne sont utiles, ou si le temps nous manque, ou même si notre esprit s’y refuse, il peut nous suffire de regarder la lune avec le peuple, et sans en rechercher péniblement les raisons, de voir avec tout le monde qu’elle croît, qu’elle arrive à son plein, pour décroître ensuite. Et si elle ne disparaît que pour revenir encore, elle devient pour la multitude la moins exercée la figure de l’Eglise, dans laquelle on croit à la résurrection des morts.