4.
« Mettez votre gloire dans ses louanges1 ». Le Prophète veut que toute notre volonté soit pour la gloire de Dieu, il ne nous laisse aucun sujet de nous louer nous-mêmes. Il n’en faut que plus nous glorifier et nous réjouir; attachons-nous au Seigneur, et qu’en lui soit notre louange. Dans la lecture de l’Apôtre vous avez entendu : « Considérez votre vocation, mes Frères, vous trouverez parmi vous peu de sages selon la chair, peu de puissants et peu d’illustres; mais Dieu a choisi ce qui est fou selon le monde, pour confondre les sages; il a choisi ce qui est faible selon le monde, afin de confondre les forts; il a choisi ce qu’il y a de plus vil, ce qui n’est rien comme ce qui est quelque chose, afin de détruire ce qui est2 ». Qu’a-t-il voulu dire? qu’a-t-il voulu montrer? Notre-Seigneur Jésus-Christ qui est Dieu, est venu restaurer le genre humain, et donner sa grâce à tous ceux qui comprennent qu’elle est un don de lui, et non un mérite de leur part; et pour que nul homme ne pût se glorifier selon la chair, il a choisi les infirmes. Car le mérite ne fit pas choisir Nathanaël lui-même. Que diras-tu , en effet? Voilà Matthieu le Publicain, choisi sur son comptoir3 , et le Sauveur ne choisit point Nathanaël, à qui néanmoins il rend témoignage en ces termes : « C’est là un vrai israélite, sans déguisements4». On comprend alors que Nathanaël était savant dans la loi. Non pas que le Sauveur ne dût pas choisir des savants; mais s’il les eût choisis tout d’abord, ils auraient attribué leur élection au mérite de leur doctrine ; la louange eût été pour leur science, et la louange de la grâce dans le Christ en eût souffert. Il lui rendit témoignage comme à un bon fidèle qui n’a pas de déguisement, et néanmoins il ne le mit pas au nombre de ses disciples , qu’il choisit d’abord parmi les illettrés. Et qu’est-ce qui nous fait comprendre qu’il était habile dans la loi? Quand l’un de ceux qui avaient suivi le Seigneur lui dit z « Nous avons trouvé le « Messie, appelé le Christ» ; il demanda d’où il était, et comme on lui répondit: « De Nazareth » ; « il peut », dit-il à son tour, « venir quelque chose de bien de Nazareth ». Mais dès qu’il comprenait que de Nazareth pouvait venir quelque bien, il était habile dans la loi et avait examiné attentivement les Prophètes, Je sais que l’on donne à ces paroles une autre accentuation, mais qui n’est pas adoptée par les plus habiles, et d’après laquelle il aurait répondu avec un certain désespoir : « De Nazareth peut-il venir quelque bien? » C’est-à-dire, est-ce bien possible? et donnant à sa réponse l’accent du doute. Nous lisons ensuite : « Venez et voyez5 ». Or, cette réponse : « Venez et voyez », peut convenir à chaque manière de parler. Si c’est le doute qui vous fasse dire : « De Nazareth peut-il venir quelque chose de bon? » la réponse est : « Venez et voyez », puisque vous ne croyez point. Si vous dites affirmativement: « De Nazareth il peut venir quelque chose de bon » ; la réponse sera aussi : « Venez et voyez » combien est bon ce que je vous dis de Nazareth; venez voir que vous avez raison de croire , faites-en l’expérience. On peut aussi conclure en faveur de son habileté dans la loi, de ce qu’il ne fut pas admis nu nombre des disciples par celui qui a choisi ce qu’il y a de faux selon le monde, alors que le Seigneur lui rendait ce témoignage : « Voilà un vrai israélite, sans déguisement ». Dieu choisit donc ensuite des orateurs; mais ceux-ci eussent pu s’enorgueillir, s’il n’eût d’abord choisi des pêcheurs : il choisit des riches; mais ils auraient cru que c’était en considération de leurs richesses, s’il n’avait d’abord choisi des pauvres; il choisit ensuite des empereurs; mais il était plus avantageux pour home de voir un empereur y faire son entrée en déposant son diadème, et en pleurant au souvenir d’un pêcheur, qu’un pêcheur pleurant au souvenir d’un empereur. « Dieu a choisi ce qu’il y a de faible selon le monde pour confondre ce qui est fort; il a choisi ce qu’il y a de méprisable pour réduire au néant ce qui est, comme ce qui n’est point6». Et quelle est la suite? L’Apôtre conclut ainsi:
« Afin que nulle chair ne se puisse glorifier devant Dieu7 », Voyez comment il nous interdit la gloire pour nous donner la gloire; il nous interdit la nôtre afin de nous donner la sienne; il nous enlève de la gloire ce qui est futile, pour nous en donner la plénitude; une gloire chancelante, pour nous donner la gloire solide. Combien donc notre gloire n’en est-elle pas plus forte et plus solide pour être en Dieu? Ce n’est point alors en toi-même qu’il faut te glorifier, la vérité te le défend; mais cette parole de l’Apôtre est le précepte de la vérité : « Que celui qui se glorifie, le fasse dans le Seigneur8». N’imitez point les Juifs, qui voulaient attribuer leur justification en quelque sorte à leurs propres mérites, et portaient envie aux Gentils qui arrivaient à la grâce évangélique pour obtenir la rémission de tous leurs péchés; comme si eux-mêmes n’avaient aucun pardon à obtenir; comme s’ils ne devaient plus attendre que la récompense de leurs bonnes oeuvres. Malades encore, ils se croyaient guéris, et leur maladie n’en était que plus dangereuse. Car si leur maladie eût été moindre, ils n’eussent pas dans leur délire tué le médecin. « Mettez votre gloire à le bénir».