14.
« Parce que vous êtes grand, que vous opérez des merveilles, et que seul vous êtes un grand Dieu ». Que nul ne se dise grand. On devait voir des hommes se nommer grands: c’est contre cette prétention que le Prophète s’écrie: « Vous seul êtes grand Dieu1». Autrement à quoi bon dire à Dieu, que lui seul est grand et Dieu? Qui peut ignorer qu’il est Dieu et grand? Mais comme on devait voir des hommes qui se diraient grands, tout en rapetissant Dieu, le Prophète rabat leur prétention, en disant: « Vous seul êtes Dieu et grand ». Car ce que vous dites s’accomplit, et non ce que disent ceux qui prônent leur grandeur. Qu’a dit le Seigneur par l’Esprit-Saint? « Toutes les nations que vous avez faites viendront, et se prosterneront devant vous, ô mon Dieu ». Que vient nous dire je ne sais quel homme se disant grand? Point du tout; Dieu n’est pas adoré parmi toutes les nations: toutes les nations ont péri, il n’y a plus que l’Afrique. Voilà ton langage, ô toi qui te dis grand: mais il tient un autre langage, ce Dieu qui seul est grand. Que dit-il donc ce seul grand Dieu? « Toutes les nations que vous avez faites, ô mon Dieu, viendront se prosterner devant vous ». Je vois ce qu’a dit le seul Dieu qui est grand : que l’homme se taise dans sa fausse grandeur; oui, fausse grandeur par cela seul qu’il dédaigne de se faire petit. Qui daigne d’être petit? Celui qui parle ainsi: « Quiconque , parmi vous , prétendra être grand», a dit le Seigneur, « sera votre serviteur2 ». Si cet homme voulait être le serviteur de ses frères, il ne les séparerait point de leur mère. Mais comme il vise à la grandeur, et ne veut pas être petit pour le bien des autres : Dieu, qui résiste aux superbes, mais accorde aux humbles ses faveurs3, parce que seul il est grand, accomplit ce qu’il a prédit, et confond ceux qui maudissent le Christ. Or, c’est maudire le Christ que dire qu’il n’y a plus d’Eglise dans l’univers entier, muais seulement en Afrique. Dis-lui: Tu perdras tes villas, peut-être ne t’épargnera-t-il pas les soufflets; et le voilà qui prêche que le Christ a perdu cet héritage racheté de son sang. Jugez, mes frères, de la violence de l’outrage. L’Ecriture l’a dit: « Une grande nation est la gloire d’un roi, mais un peuple décroissant est la confusion du prince4 ». Tu vas donc jusqu’à faire cette injure au Christ, de prétendre que son peuple en est réduit à ce coin de terre? Tu es donc né, tu fais donc profession d’être chrétien pour envier au Christ sa gloire, et tu prétends en porter le signe sur ton front, quand il n’est plus dans ton coeur, « Une grande nation est la gloire d’un prince ». Reconnais donc ton roi, fais-lui cet honneur de lui accorder une grande nation. Quelle grande nation lui donner, me diras-tu? Ne lui accorde rien selon ton coeur, et tu feras bien. D’où lui donner alors? Donne-lui d’après ces textes: « Toutes les nations que vous avez faites viendront se prosterner devant vous, ô mon Dieu ». Parle ainsi, proclame cette vérité et tu lui donneras une grande nation; parce que toutes les nations mie sont en lui seul qu’une seule nation, c’est là l’unité. De même qu’on dit l’Eglise, on dit les Eglises, et que ces Eglises ne forment qu’une Eglise ainsi cette grande nation sera toutes les na lions. Tout à l’heure c’étaient des nations des nations nombreuses, comment n’y a-t il plus qu’une nation? Parce qu’il n’y a qu’une seule foi, qu’une seule espérance, qu’une seule charité, qu’un seul avenir. Et enfin pourquoi n’y aurait-il pas une seule, nation, quand il n’y a qu’une seule patrie? Cette patrie, c’est le ciel; cette patrie, c’est Jérusalem: quiconque n’en est pas citoyen ici-bas, n’appartient pas i cette nation, et quiconque en est citoyen ici-bas, est de l’unique nation de Dieu. Et cette nation s’étend de l’Orient à l’Occident, du Nord et de l’Océan dans toutes les quatre parties de l’univers entier. Voilà ce que dit le Seigneur. De l’Orient et de l’Occident, comme du Nord et de la mer, glorifiez votre Dieu. Voilà ce qu’il a prédit, ce qu’il a accompli, parce que seul il est grand. Qu’il cesse donc de parler ainsi contre le Dieu qui seul est grand, celui qui n’a pas voulu être petit; parce que Dieu et Donat ne peuvent être grands tous deux.