2.
Mais comme ces reproches si sévères ne font point courber la tête aux orgueilleux, comme le supplice de la mort et du travail qui pèse sur eux ne réprime point leur insolence, comme ils imitent le ton hautain de ceux qui tombent, et tournent en dérision l’humilité de ceux qui se relèvent, voilà que le corps du Christ intercède en leur faveur et s’écrie : « Eloignez de moi l’opprobre et le mépris, parce que j’ai recherché vos témoignages1 ». En grec, ces testimonia, ou témoignages s’appellent martyria, expression qui a passé dans le latin. De là vient que nous ne donnons plus le nom de « témoins », comme nous pourrions dire en latin testes, mais le nom grec de martyrs à ceux qui ont enduré divers tourments pour rendre témoignage au Christ. Cette expression étant donc plus familière et plus élégante, entendons ces paroles comme si le psaume portait: « Eloignez de moi l’opprobre et le mépris, parce que j’ai recherché vos martyres ». Mais quand le corps du Christ nous tient ce langage, croirons-nous qu’il regarde comme une peine d’entendre les outrages et les insultes des impies et des superbes; quand c’est là un moyen de hâter sa couronne? Pourquoi donc demander à Dieu d’en être délivré comme d’un fardeau pénible et insupportable, sinon, comme je l’ai dit, parce que le Prophète prie pour ses ennemis, en voyant combien il leur est dangereux de faire aux chrétiens un crime du nom béni de Jésus-Christ; de n’avoir comme les Juifs que des sarcasmes pour la croix, remède suprême qui produit dans les âmes l’humilité chrétienne, laquelle peut seule guérir cet orgueil dont l’enflure a produit notre chute, et que nourrissent et font croître nos chutes journalières? Que le corps de Jésus-Christ prie donc en leur faveur, lui qui déjà sait aimer ses ennemis2; qu’il dise au Seigneur: «Eloignez de moi l’outrage et le mépris, parce que j’ai recherché vos martyres » ; c’est-à-dire, délivrez-moi de ces outrages que j’entends, de ce mépris que j’endure par cet unique motif que j’ai recherché vos martyres, Car mes ennemis que vous m’ordonnez d’aimer, qui courent de plus en plus à la mort et à leur perte, en méprisant vos martyres, et en me chargeant de calomnies, revivront et reviendront de leurs égarements, s’ils révèrent en moi vos témoignages. Voilà ce qui est arrivé, ce que nous voyons. Voilà que le témoignage du Christ, loin d’être un opprobre aux yeux des hommes et du monde, est devenu un grand honneur: voilà que la mort des justes est précieuse, non-seulement devant Dieu3, mais encore devant les hommes; voilà que ses martyrs, loin d’être en butte au mépris, sont au contraire comblés d’honneur; le plus jeune des deux fils qui déchirait son héritage, dans le petit nombre des chrétiens qui le possédaient avant lui, en vue des pourceaux qu’il faisait paître, ou plutôt des démons qu’il adorait, voilà que maintenant il relève les martyrs devant ces peuples si grands et si nombreux, il prêche ce qu’il insultait, il comble d’honneurs ceux qu’il méprisait, il était mort, et le voilà ressuscité, il était perdu et le voilà retrouvé4. Tel est le grand succès de conversion, d’amélioration et de rédemption de ses ennemis pour lequel le corps du Christ disait : « Eloignez de moi, Seigneur, l’opprobre et le mépris ». Et comme si on lui demandait pour quel motif il est outragé et méprisé, il ajoute : « Parce que j’ai recherché vos martyres ».