11.
Or, un chrétien ne doit pas être dans l’abondance, mais reconnaître qu’il est pauvre; et s’ila des richesses, il doit comprendre assez qu’elles ne sont point les richesses véritables, et en désirer d’autres. Car, celui qui convoite les fausses richesses, ne recherche point les véritables, et celui qui recherche les véritables est encore pauvre, et peut dire en toute vérité : « Je suis pauvre et affligé1 ». Ensuite, comment peut-on dire qu’un homme soit dans l’abondance, quand il est pauvre et plein de malice ? On le dit, parce que sa pauvreté lui déplaît, et qu’il croit son coeur plein d’une justice qu’il oppose à la justice de Dieu. Et quelle abondance de justice pouvons-nous avoir? Quelque grande que puisse être notre justice, elle n’est qu’une goutte de rosée auprès de cette inépuisable source, une miette auprès de ce rassasiement ineffable, et cette miette adoucit notre vie, nous aide à supporter le châtiment de nos fautes. Aspirons à boire aux pleines eaux de la justice; aspirons à nous rassasier de cette abondance, dont il est dit dans le psaume : « Ils seront enivrés de l’abondance de votre maison, vous les ferez boire au torrent de vos voluptés2». Mais, tant que nous demeurons sur la terre, nous devons nous croire pauvres et dépourvus, non-seulement de ces richesses qui ne sont point les richesses véritables, mais aussi de celles du salut. Et même, avec la santé, reconnaissons que nous sommes faibles. Tant que ce corps a faim et soif, tant qu’il est fatigué de veiller, fatigué d’être debout, fatigué de marcher, fatigué d’être assis, fatigué de manger, quelque part qu’il se tourne pour soulager une fatigue, il rencontre une fatigue nouvelle: l’homme n’a donc point ici-bas une santé parfaite, pas même en son corps. Il n’a donc point les richesses, mais la mendicité et plus on possède ces biens, plus s’accroît en nous la pauvreté et l’avarice. Ce n’est donc point là pour le corps la santé, mais bien la langueur. Chaque jour nous viennent de Dieu des remèdes adoucissants, puisque nous buvons et que nous mangeons; ce sont là des remèdes que nous prépare sa bonté. Et si vous voulez, mes frères, connaître l’intensité de notre maladie, qu’un homme demeure àjeun pendant sept jours, et la faim le tuera. Cette faim est donc en nous, et nous ne la sentons point, parce que nous y apportons chaque jour le remède: notre santé n’est donc point parfaite.