2.
Mais qui donc parlait ainsi dans le psaume? L’homme dont le coeur n’était point encore droit. Car c’est ainsi que commence le psaume auquel j’ai emprunté cette citation, et non celui que j’entreprends de vous exposer aujourd’hui, mais celui où il est dit « Comment Dieu le sait-il, et le Très-Haut en a-t-il connaissance? Voilà que les pécheurs et les méchants du monde ont obtenu des richesses. Est-ce donc en vain que j’ai mis la u justice dans mon coeur, et que j’ai lavé mes « mains parmi les innocents? » Ce psaume donc où vous voyez l’âme en péril, où vous la voyez chancelante, commence ainsi: « Combien est bon le Dieu d’Israël pour les hommes qui ont le coeur droit ! Pour moi, mes pieds se sont presque égarés, mes pas ont presque chancelé ». Pourquoi? « Parce que j’ai été pris de jalousie contre les pécheurs, en voyant la paix dont ils jouissent1 ». Le Prophète nous dit donc que ses pieds ont été ébranlés, que sa marche chancelante a presque abouti à une chute qui l’eût séparé de Dieu, parce qu’il s’est arrêté à considérer la prospérité des méchants, qu’il les a vus dans la paix, et lui dans la misère. Mais quand il parle ainsi, il a déjà échappé au péril, déjà son coeur s’est redressé pour s’attacher à Dieu, il nous parle d’un danger qu’il a couru. Donc « il est bon le Dieu d’Israël ». Mais pour qui? « Pour les hommes au coeur droit ». Quels sont les hommes au coeur droit? Les hommes qui ne critiquent point le Seigneur. Quels sont les hommes au coeur droit? Ceux qui règlent leur volonté sur celle de Dieu, et ne forcent point celle de Dieu à se courber sous la leur. C’est pour l’homme un précepte bien court, que redresser son coeur. Veux-tu avoir le coeur droit? Fais ce que Dieu veut, sans désirer que Dieu fasse ce que tu voudrais. C’est donc avoir le coeur tortueux, c’est-à-dire ne l’avoir point droit, que disputer sur ce que Dieu aurait dû faire, sans louer et même cii critiquant ses actes. C’est peu de ne pas vouloir qu’il nous redresse, on veut le redresser lui-même, et l’on dit : Dieu n’aurait dû faire aucun pauvre, on ne devrait voir que des riches : eux seuls devraient vivre. A quoi bon le pauvre ? Que fait-il ici-bas? Voilà le blâme contre le Dieu des pauvres. Il ferait bien mieux, cet homme, d’être le pauvre de Dieu, afin d’être riche de Dieu ; c’est-à-dire de suivre la volonté de Dieu, et il comprendrait alors que sa pauvreté n’est que d’un moment, qu’elle passera, qu’ensuite il jouira de richesses spirituelles qui ne passeront point, et qu’à défaut d’or dans son coffre, il aura dans son coeur le trésor de la foi ! Avec de l’or dans son coffre, il craindrait les voleurs, et malgré lui il pourrait perdre cet or ; mais la foi qui serait dans son coeur, il ne pourrait la perdre, à moins de l’en chasser lui-même. Mais il est une réponse facile , mes frères. Dieu a fait le pauvre pour éprouver l’homme, et il a fait le riche afin de l’éprouver par le pauvre. Et tout ce qu’a fait Dieu est bien, Et si nous ne pouvons pénétrer ses conseils, pourquoi il a fait ceci d’une manière, et cela d’une autre manière, il nous est bon néanmoins de nous soumettre à sa sagesse, de croire qu’il a bien fait, quand nous n’en pouvons comprendre la raison notre cœur alors sera droit, nous mettrons en Dieu notre confiance la plus entière, et nos pieds ne seront point ébranlés, et en montant vers Dieu nous serons dans l’état que décrit le Psalmiste : « Ceux qui mettent leur confiance dans le Seigneur ressemblent à la montagne de Sion, ils ne seront point ébranlés de l’éternité2».