6.
Que nous disent maintenant ceux qui nous reprochent avec insolence le nom de moines? Ils diront peut-être: Nous n’appelons point les nôtres Circoncellions; c’est vous autres qui leur donnez ce nom par mépris, car nous ne les appelons pas ainsi. Qu’ils nous disent alors comment ils les nomment, et vous entendrez. Ils les appellent Agonistiques. C’est là un beau nom, il faut l’avouer, si la réalité y répondait. Mais que votre charité voie avec nous; que ceux qui nous disent : Montrez-nous où est écrit ce nom de moines, veuillent bien nous montrer où est écrit celui d’Agonistiques. Nous les appelons ainsi, disent-ils, à cause de leurs combats. Car ils combattent, et saint Paul dit de lui-même « qu’il a bien combattu1 ». Il en est qui combattent contre le démon, et qui remportent la victoire ; soldats de Jésus-Christ, ils se nomment Agonistiques ou combattants. Plût à Dieu qu’ils fussent les soldats du Christ, et non les soldats du diable, eux dont le mot, louange de Dieu2, est plus à craindre que le rugissement du lion, ils osent bien nous reprocher que nos frères saluent les hommes qu’ils rencontrent par cette parole : Grâces à Dieu3. Que signifie, nous disent-ils : Grâces à Dieu? Es-tu donc sourd au point de ne pas comprendre ce que signifie : Grâces à Dieu? Parler ainsi, c’est remercier Dieu. Or, vois si un frère ne doit pas rendre grâce à Dieu quand il rencontre un frère. Quand ceux qui demeurent en Jésus-Christ se voient mutuellement, n’y a-t-il pas lieu de se féliciter? Et pourtant vous riez de notre grâce à Dieu, tandis que les hommes pleurent votre louange à Dieu. Mais puisque vous nous avez expliqué votre nom d’Agonistiques, puissent-ils justifier cette appellation, puissent-ils être combattants, nous y applaudissons. Que Dieu leur donne de combattre le diable, et non le Christ dont ils persécutent l’Eglise. Puisque vous les appelez Agonistiques ou combattants, et que vous trouvez une raison de ce nom dans le mot dc saint Paul: « J’ai combattu un bon combat4 »; pourquoi ne pourrions-nous pas nous servir du nom de moines, quand le psaume nous dit : « Combien il est bon, combien il est agréable pour des frères d’habiter ensemble » ou en un. Or, monos signifie un, et non pas un indifféremment : en effet, un se trouve dans une foule, mais une foule composée de plusieurs ne saurait se dire un, monos, c’est-à-dire seul : car monos signifie un seul. Donc ceux qui vivent en commun, de manière à ne former qu’un seul homme, et à réaliser en eux cette parole de l’Ecriture, « un coeur et une âme5 », peuvent être plusieurs corporellement, mais non plusieurs âmes ; plusieurs corps, mais non plusieurs coeurs. Voilà bien monos, c’est-à-dire un seul. De là ce seul malade qui était guéri à la piscine. Qu’ils nous répondent ceux qui nous rejettent le nom de moines comme une insulte; qu’ils nous disent pourquoi cet homme paralytique depuis trente- huit années répondit au Seigneur: « Aussitôt que l’eau est troublée, je n’ai personne pour m’y jeter, et un autre descend avant moi6 ». Un malade était descendu, un autre n’y descendait plus:
un seul était guéri, et nous figurait l’unité de l’Eglise. Il est vrai qu’ils ont raison d’insulter à l’unité, ceux qui se sont séparés de l’unité. C’est justement que le nom de moines leur déplaît, eux qui ne veulent pas demeurer dans l’unité avec leurs frères, qui ont abandonné le Christ afin de suivre Donat. Votre charité vient d’entendre la recommandation de l’unité d’un seul ; réjouissons-nous donc avec le Psalmiste et voyons ce qui suit. Le psaume est court, nous pouvons avec la grâce de Dieu le parcourir rapidement. Ce que nous avons dit déjà, nous éclairera sans doute pour la suite, bien qu’on y trouve des obscurités.