10.
« Les saints tressailliront dans la gloire1». Je voudrais vous dire un mot de la gloire des saints, redoublez d’attention. Il n’est personne, en effet, qui n’aime la gloire. Cette gloire mène des insensés, qu’on appelle gloire populaire, a ses charmes qui nous trompent; chacun s’éprend de ces louanges futiles des hommes au point de vouloir vivre de manière à mériter les applaudissements, peu importe d’où ils lui viennent et de quelle manière. De là ces hommes pris de vertige, enflés d’orgueil, vides à l’intérieur, bouffis extérieurement, qui perdent volontairement ce qu’ils possèdent, en le donnant à des comédiens, à des histrions, à des chasseurs, à des cochers. Quels dons! quelles dépenses! Consumer ainsi non seulement les richesses du patrimoine, mais les richesses de l’âme! Mais ils n’ont que du mépris pour le pauvre, parce que le peuple n’applaudit point quand il reçoit l’aumône; tandis qu’il applaudit quand on donne à un chasseur. Ils ne donneront donc rien s’ils ne sont applaudis; que les fous applaudissent, et les voilà fous eux-mêmes; oui, tous également fous, et celui qui se donne en spectacle, et celui qui regarde, et celui qui donne. C’est bien cette gloire folle que condamne le Seigneur, qui est odieuse aux yeux du Tout-Puissant. Et toutefois, mes frères, le Christ ne laisse pas de faire aux siens ce reproche : J’ai moins reçu de vous que n’ont reçu des chasseurs, et pour leur donner, vous avez pris ce qui m’appartenait : « Pour moi, j’étais nu, et vous ne na’avez point revêtu ». Mais eux: « Quand, Seigneur, vous avons nous vu sans habits, et ne vous avons-nous point revêtu2? » Mais lui : « Quand vous l’avez refusé au moindre des miens, c’est à moi que vous l’avez refusé». Mais tu n’as voulu revêtir que celui qui te plaît. En quoi donc le Christ a-t-il pu te déplaire? Tu veux revêtir un athlète, qui te fera rougir s’il est vaincu; tandis que le Christ n’est jamais vaincu; c’est lui qui a vaincu le diable, vaincu à la place, vaincu pour toi, vaincu en toi. Voilà le vainqueur que tu ne veux point revêtir. Pourquoi? Parce qu’on t’applaudit moins, parce qu’il y a moins de folles clameurs. De là vient, mes frères, que ceux qui se repaissent d’une telle joie n’ont rien dans la conscience. Comme ils épuisent leurs coffres, en donnant des vêtements, ils épuisent leur conscience, de manière à n’y rien conserver de précieux.