16.
Mais cela était insuffisant, Le Prophète ne dit point Je confesserai mon injustice au Seigneur ; ce n’est pas sans raison qu’il ajoute: «Je confesserai contre moi » ; ce qui est important. Beaucoup en effet déclarent leurs injustices, mais les déclarent contre Dieu; et quand ils sont surpris dans l’iniquité, ils répondent: C’est Dieu qui l’a voulu. Qu’un homme en effet dise: Je n’ai point fait cela, ou, ce que vous me reprochez n’est pas une faute ; il n’accuse ni lui-même. ni Dieu. Qu’il dise au contraire: J’ai fait cela, c’est une faute, mais Dieu l’a voulu ainsi, en quoi suis-je coupable? alors c’est Dieu qu’il accuse. Mais, direz-vous, il n’est personne qui parle ainsi; qui oserait dire : C’est Dieu qui l’a voulu? D’abord il y en a beaucoup pour le dire; mais ceux qui ne le disent point formellement, que font-ils autre chose, en s’excusant ainsi : C’est le destin qui l’a voulu, c’est mon étoile qui en est cause ? Ils prennent un détour, mais pour arriver à Dieu. Par ces détours, ils veulent eu venir jusqu’à inculper Dieu, au lieu de prendre le chemin plus court de l’apaiser. Le destin m’a poussé, disent-ils. Qu’est-ce que le destin? Ma mauvaise étoile en est cause. Qu’est-ce que ces étoiles? Assurément celles que nous voyons à la voûte des cieux. Qui les a créées? Dieu ; qui les a placées ? Dieu encore. Ainsi, tu le vois, tu as voulu dire que c’est Dieu qui t’a poussé au péché. L’injuste c’est lui, le juste c’est toi; s’il n’avait ainsi disposé les choses, tu n’aurais point péché. Arrière toutes ces excuses du péché; souviens-toi de ces paroles du psaume:
« Ne laissez point aller mon coeur à ces paroles mensongères que l’on allègue pour excuser des péchés, parmi ces hommes qui commettent l’iniquité ». Toutefois ce sont des hommes importants, ceux qui atténuent ainsi leurs fautes ; ils sont importants ceux qui peuvent compter les étoiles, qui peuvent dire quand est-ce qu’un homme fera un acte coupable ou un acte de vertu, quand Mars commettra un homicide et, Vénus un adultère ; ce sont des hommes importants, des hommes savants, des hommes distingués dans le monde. Mais que nous dit le Psalmiste? « Ne laissez point aller mon coeur à ces paroles mensongères, avec les hommes criminels; je n’aurai point de part avec les plus habiles d’entre eux » . Que d’autres appellent savants et distingués ceux qui peuvent compter les étoiles; que l’on accorde la sagesse à ceux qui règlent comme sur les doigts les destinées des hommes qui lisent nos moeurs dans les étoiles ; pour moi, je sais que Dieu m’a doué du libre arbitre, que si j’ai péché, c’est bien moi qui ai péché; non-seulement je confesserai mon péché au Seigneur, mais je le confesserai contre moi, et non contre lui. « Pour moi, j’ai dit: Seigneur, ayez pitié de moi », c’est le malade qui appelle un médecin. « Pour moi, j’ai dit ».A quoi bon mettre: « Moi j’ai dit », quand il suffisait de dire simplement: J’ai dit? Le moi est ici emphatique; c’est bien moi, ce n’est ni le destin, ni la fortune, ni le diable ; ce dernier ne m’a point forcé, mais moi j’ai consenti à ses instigations: « Pour moi, j’ai dit au Seigneur: Ayez pitié de moi, guérissez mon âme , parce que j’ai péché contre vous1 ». C’est aussi la résolution qu’il arrête ici : « J’ai dit : Je confesserai contre moi mon iniquité au Seigneur, et vous m’avez pardonné l’impiété de mon cœur ».
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Ps. XL, 5. ↩