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Méthode pour enseigner aux catéchumènes les éléments du Christianisme
CHAPITRE XV.
NÉCESSITÉ D’APPROPRIER SON LANGAGE AUX CIRCONSTANCES ET AUX PERSONNES.
- Je t’ai fait une promesse et tu en réclames peut-être l’accomplissement, comme si c’était une dette : il me faut prendre le rôle de catéchiste et composer un entretien qui puisse te servir de modèle. Soit; mais figure-toi bien qu’un écrivain qui compose dans son cabinet pour être lu, se place à un tout autre point de vue que l’orateur qui parle devant un auditoire attentif; et pour l’orateur, que de points de vue divers! Tantôt il donne des instructions en particulier, sans témoins qui contrôlent son langage; tantôt il parle sous les yeux d’une assemblée qui représente les goûts les plus divers. Parle-t-il en public? tantôt il n’adresse ses instructions qu’à une seule personne, et l’assemblée ne fait que le juger ou rendre témoignage à la vérité de ses paroles; tantôt l’auditoire attend un discours qui s’adresse à tous indistinctement. Dans ce dernier cas, la méthode doit encore changer selon que le public est pour ainsi dire réuni en famille et n’attend qu’une conférence, ou qu’il est suspendu en silence aux lèvres de l’orateur, parlant du haut d’une tribune. Et même alors, le ton doit varier, si l’auditoire est plus ou moins nombreux, s’il est composé de savants ou d’ignorants, de gens de la ville ou de la campagne, enfin, s’il représente le peuple entier avec ses différentes classes. En effet, si l’orateur n’est pas capable d’éprouver les émotions les plus diverses, son âme ne saurait se peindre dans son discours ni sa parole exprimer des sentiments assez variés pour répondre aux mille impressions que provoque la sympathie dans une foule nombreuse.
Il n’est ici question que d’initier à la foi des esprits novices : toutefois, je puis t’assurer, d’après mon expérience personnelle, que je ressens une émotion toute différente selon que je vois dans le catéchumène un savant, un ignorant, un étranger, un concitoyen,un riche, un pauvre,un particulier,un magistrat; dignité, famille, âge, sexe, système philosophique, font autant d’impressions sur mon coeur, et, sous l’empire du sentiment que j’éprouve, mon discours commence, se continue et s’achève. On doit à tous une égale charité; mais ce n’est pas une raison pour appliquer à tous le même remède. La charité sait enfanter les uns et se rendre faible avec les autres; elle travaille à édifier ceux-ci, elle a peur d’offenser ceux-là; tantôt elle s’abaisse, tantôt elle s’élève, tour à tour indulgente et sévère, jamais ennemie, toujours maternelle. Quand on n’a point éprouvé ces mouvements de la charité, on croit que notre bonheur est attaché au faible talent qui nous vaut les éloges de la multitude et les douces émotions de la gloire. Mais que Dieu, en « présence duquel montent les gémissements des captifs1», voie notre humilité et nos peines, et qu’il nous remette tous nos péchés2. Si ma parole a eu pour toi quelque agrément, si elle t’a inspiré le désir d’apprendre de moi quelques règles pour vivifier tes discours, je te le répète, tu aurais été plus vite initié à ces secrets en me voyant exercer les fonctions de catéchiste qu’en me lisant.
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De catechizandis rudibus
CAPUT XV. Pro personarum diversitate temperanda oratio.
23. Sed nunc etiam illud quod priusquam promitterem non debebam, jam fortasse debitum flagitas, ut aliquod sermonis exemplum, tanquam si ego aliquem catechizem, non me pigeat explicare, et intuendum tibi proponere. Quod priusquam faciam, volo cogites aliam esse intentionem dictantis, cum lector futurus cogitatur; et aliam loquentis, cum praesens auditor attenditur: et in eo ipso aliam in secreto monentis, dum nullus alius qui de nobis judicet praesto est; aliam palam docentis aliquid, cum dissimiliter opinantium circumstat auditus: et in hoc genere aliam, cum docetur unus, caeteri autem tanquam judicantes aut attestantes quae sibi nota sunt audiunt; aliam cum omnes communiter quid ad eos proferamus exspectant: et rursus in hoc ipso aliam, cum quasi privatim consedetur, ut sermocinatio conseratur; aliam, cum populus tacens unum de loco superiore dicturum suspensus intuetur: multumque interest, et cum ita dicimus, utrum pauci adsint an multi; docti an indocti, an ex utroque genere mixti; urbani an rustici, an hi et illi simul; an populus ex omni hominum genere temperatus sit. Fieri enim non potest, nisi aliter atque aliter afficiant locuturum atque dicturum, et ut sermo qui profertur, affectionis animi a quo profertur, quemdam quasi vultum gerat, et pro eadem diversitate diverse afficiat auditores, cum et ipsi se ipsos diverse afficiant invicem praesentia sua. Sed quia de rudibus imbuendis nunc agimus, de me ipso tibi testis sum, aliter atque aliter me moveri, cum ante me catechizandum video eruditum, inertem, civem, peregrinum, divitem, pauperem, privatum, honoratum, in potestate aliqua constitutum, illius aut illius gentis hominem, illius aut illius aetatis aut sexus, ex illa aut illa secta, ex illo aut illo vulgari errore venientem: ac pro diversitate motus mei sermo ipse et procedit, et progreditur, et finitur. Et quia cum eadem omnibus debeatur charitas, non eadem est omnibus adhibenda medicina: ipsa item charitas alios parturit, cum aliis infirmatur; alios curat aedificare, alios contremiscit offendere; ad alios se inclinat, ad alios se erigit; aliis blanda, aliis severa, nulli inimica, omnibus mater. Et qui non expertus est eadem charitate quod dico, cum videt nos, quia facultas aliqua nobis donata delectat laudabiliter innotescere in ore multitudinis, inde nos beatos putat: Deus autem, in cujus conspectum intrat gemitus compeditorum1, videat humilitatem nostram et laborem nostrum, et dimittat omnia peccata nostra2. Quamobrem si quid tibi in nobis placuit, ut aliquam observationem sermonis tui a nobis audire quaereres, melius videndo et audiendo nos cum haec agimus, quam legendo cum haec dictamus, edisceres.