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Apologeticum
IX.
[1] Haec quo magis refutaverim, a vobis fieri ostendam partim in aperto, partim in occulto, per quod forsitan et de nobis credidistis. [2] Infantes penes Africam Saturno immolabantur palam usque ad proconsulatum Tiberii, qui eosdem sacerdotes in eisdem arboribus templi sui obumbratricibus scelerum votivis crucibus exposuit, teste militia patriae nostrae, quae id ipsum munus illi proconsuli functa est. [3] Sed et nunc in occulto perseveratur hoc sacrum facinus. Non soli vos contemnunt Christiani, nec ullum scelus in perpetuum eradicatur aut mores suos aliqui deus mutat. [4] Cum propriis filiis Saturnus non pepercit, extraneis utique non parcendo perseverabat, quos quidem ipsi parentes sui offerebant et libentes respondebant et infantibus blandiebantur, ne lacrimantes immolarentur. Et tamen multum homicidio parricidium differt. [5] Maior aetas apud Gallos Mercurio prosecatur. Remitto fabulas Tauricas theatris suis. Ecce in illa religiosissima urbe Aeneadarum piorum est Iupiter quidam quem ludis suis humano sanguine proluunt. [6] Sed bestiarii, inquitis. Hoc, opinor, minus quam hominis? An hoc turpius, quod mali hominis? certe tamen de homicidio funditur. O Iovem Christianum et solum patris filium de crudelitate! Sed quoniam de infanticidio nihil interest sacro an arbitrio perpetretur, licet parricidium homicidio intersit, convertar ad populum.
Quot vultis ex his circumstantibus et in Christianorum sanguinem hiantibus, ex ipsis etiam vobis iustissimis et severissimis in nos praesidibus apud conscientias pulsem, qui natos sibi liberos enecent? [7] Siquidem et de genere necis differt, utique crudelius in aqua spiritum extorquetis aut frigori et fami et canibus exponitis. Ferro enim mori aetas quoque maior optaverit. [8] Nobis vero semel homicidio interdicto etiam conceptum utero, dum adhuc sanguis in hominem delibatur, dissolvere non licet. Homicidii festinatio est prohibere nasci, nec refert natam quis eripiat animam an nascentem disturbet. Homo est et qui est futurus; etiam fructus omnis iam in semine est.
[9] De sanguinis pabulo et eiusmodi tragicis ferculis legite, necubi relatum sit (est apud Herodotum, opinor), defusum brachiis sanguinem ex alterutro degustatum nationes quasdam foederi conparasse. Nescio quid et sub Catilina degustatum est. Aiunt et apud quosdam gentiles Scytharum defunctum quemque a suis comedi. [10] Longe excurro. Hodie istic Bellonae sacratus sanguis de femore proscisso in palmulam exceptus et esui datus signat. [11] Item illi qui munere in arena noxiorum iugulatorum sanguinem recentem de iugulo decurrentem exceptum avida siti comitiali morbo medentes auferunt, ubi sunt? Item illi qui de arena ferinis obsoniis coenant, qui de apro, que de cervo petunt? Aper ille quem cruentavit, conluctando detersit. Cervus ille in gladiatoris sanguine iacuit. Ipsorum ursorum alvei appetuntur cruditantes adhuc de visceribus humanis. Ructatur proinde ab homine caro pasta de homine. [12] Haec qui editis, quantum abestis a conviviis Christianorum? Minus autem et illi faciunt qui libidine fera humanis membris inhiant, quia vivos vorant? minus humano sanguine ad spurcitiam consecrantur, quia futurum sanguinem lambunt? Non edunt infantes plane, sed magis puberes.
[13] Erubescat error vester Christianis, qui ne animalium quidem sanguinem in epulis esculentis habemus, qui propterea suffocatis quoque et morticinis abstinemus, ne quo modo sanguine contaminemur vel intra viscera sepulto. [14] Denique inter temptamenta Christianorum botulos etiam cruore distensos admovetis, certissimi scilicet inlicitum esse penes illos per quod exorbitare eos vultis. Porro quale est, ut quos sanguinem pecoris horrere confiditis, humano inhiare credatis, nisi forte suaviorem eum experti? [15] Quem quidem et ipsum proinde examinatorem Christianorum adhiberi oportebat ut foculum, ut acerram. Proinde enim probarentur sanguinem humanum adpetendo quemadmodum sacrificium respuendo, alioquin negandi si non gustassent, quemadmodum si immolassent, et utique non deesset vobis in auditione custodiarum et damnatione sanguis humanus.
[16] Proinde incesti qui magis quam quos ipse Iupiter docuit? Persas cum suis matribus misceri Ctesias refert. Sed et Macedones suspecti, quia, cum primum Oedipum tragoediam audissent, ridentes incesti dolorem, Ἤλαυνε, dicebant, εἰς τὴν μητέρα. [17] Iam nunc recogitate quantum liceat erroribus ad incesta miscenda, suppeditate materias passivitate luxuriae. Imprimis filios exponitis suscipiendos ab aliqua praetereunte misericordia extranea, vel adoptandos melioribus parentibus emancipatis. Alienati generis necesse est quandoque memoriam dissipari, et simul error inpegerit, exinde iam tradux proficiet incesti serpente genere cum scelere. [18] Tunc deinde quocunque in loco, domi, peregre, trans freta comes est libido, cuius ubique saltus facile possunt alicubi ignaris filios pangere vel ex aliqua seminis portione, ut ita sparsum genus per commercia humana concurrat in memorias suas, neque eas caecus incesti sanguinis agnoscat.
[19] Nos ab isto eventu diligentissima et fidelissima castitas sepsit, quantumque ab stupris et ab omni post matrimonium excessu, tantum et ab incesti casu tuti sumus. Quidam multo securiores totam vim huis erroris virgine continentia depellunt, senes pueri. [20] Haec in vobis esse si consideraretis, proinde in Christianis non esse perspiceretis. Idem oculi renuntiassent utrumque. Sed caecitatis duae species facile concurrunt, ut qui non vident quae sunt, videre videantur quae non sunt. Sic per omnia ostendam. Nunc de manifestioribus dicam.
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Apologétique
IX.
Pour ajouter une nouvelle force à notre justification, je prouverai que vous vous permettez, et en secret et en public, ce dont vous nous accusez sur un peut-être. En Afrique, on immolait publiquement des enfants à Saturne, jusqu'au proconsulat de Tibère, qui fît attacher les prêtres de ce dieu aux arbres même du temple dont l'ombre couvrait ces affreux sacrifices, comme à autant de croix votives. J'en prends à témoin les soldats de mon pays qui assistèrent le proconsul dans cette exécution. Cependant ces détestables sacrifices se continuent encore dans le secret. Ainsi les Chrétiens ne sont pas les seuls qui vous bravent. Aucun crime n'est entièrement déraciné; et puis, un dieu change-t-il de mœurs? Saturne, qui n'a pas épargné ses propres enfants, aurait-il épargné des enfants étrangers que leurs pères et leurs mères venaient d'eux-mêmes lui offrir, et qu'ils caressaient au moment qu'on les immolait., afin que le sacrifice ne fût point troublé par des larmes? Et cependant qu'il y a loin encore de l'homicide au parricide!
Quant aux Gaulois, c'étaient des hommes qu'ils sacrifiaient à Mercure. Je renvoie à vos théâtres les cruautés de la Tauride. Mais encore aujourd'hui, dans la ville la plus religieuse de l'univers, chez les descendants du pieux Enée, n'adore-t-on pas un Jupiter, que dans ses jeux mêmes on arrose de sang humain? C'est du sang des criminels, dites-vous: en sont-ils moins des hommes? N'est-il pas encore plus honteux que ce soit le sang des méchants? Toujours du moins sont-ce là autant d'homicides. Oh! quel Jupiter chrétien! oh! qu'il est bien le fils unique de son père pour la cruauté!
Mais, puisqu'il importe peu que l'on immole ses enfants par religion ou par caprice, quoique le parricide soit un crime de plus, je m'adresse maintenant au peuple. Combien parmi ceux qui m'entendent, d'hommes altérés du sang chrétien! Combien de magistrats si intègres pour vous, si rigoureux contre nous! Combien, à la conscience desquels j'en appellerai, tuent leurs enfants aussitôt qu'ils sont nés! Le genre de supplice, voilà toute la différence. Par un raffinement de cruauté, vous les étouffez dans l'eau, vous les exposez à la faim, au froid, aux animaux immondes. Un âge plus avancé choisirait la mort du glaive. Pour nous, à qui l'homicide a été interdit, il ne nous est pas permis de faire périr le fruit au sein de la mère, lorsque le sang n'est pas encore devenu un homme. C'est un homicide prématuré que d'empêcher la naissance. Et dans le fond, arracher l'ame déjà née, ou troubler sa naissance, n'est-ce pas la même chose? C'était un homme qui allait naître: tout le fruit était dans le germe.
Pour en venir à ces repas de sang et de chair humaine, qui font frémir, vous pouvez lire dans Hérodote, si je ne me trompe, que certaines peuplades, après s'être tiré du sang au bras, se le présentent mutuellement à boire, comme pour sceller leur alliance par cet échange. Il se passa quelque chose de semblable dans la conjuration de Catilina. Les Scythes, dit-on, mangent leurs parents après leur mort. Mais pourquoi chercher des exemples si loin? Ici même, pour être admis aux mystères de Bellone, il faut avoir bu du sang qu'on tire de sa cuisse entr'ouverte, et qu'on recueille dans la main. Et ceux qui, pour guérir l'épilepsie qui les travaille, sucent avec une soif avide le sang encore bouillant des criminels qui viennent d'expirer dans l'arène, où sont-ils? Où sont-ils ceux qui mangent des animaux tués dans l'amphithéâtre? Ne se nourrissent-ils pas de la chair de leurs semblables? car ce sanglier s'est abreuvé du sang de la victime qu'il a déchirée; ce cerf est tombé dans le sang du gladiateur; et dans le ventre des ours, on voit encore palpiter les membres des hommes qu'ils ont dévorés. Vous vous engraissez d'une chair engraissée de la chair de l'homme! En quoi donc vos repas diffèrent-ils des prétendus repas des Chrétiens? Et ceux qui, avec des fantaisies dépravées, se précipitent dans des plaisirs infâmes qui révoltent la nature et qui feraient rougir le crime, sont-ils moins criminels, moins homicides?..... Rougissez d'imputer aux Chrétiens des crimes dont ils sont si éloignés, qu'ils ont même interdit sur leurs tables le sang des animaux, et que par cette raison ils s'abstiennent des bêtes étouffées et mortes d'elle-mêmes, pour ne se souiller d'aucun sang, même de celui que recèleraient leurs entrailles. Vous ne l'ignorez pas, puisque parmi vos moyens de corruption, vous présentez à la foi chrétienne des mets pleins de sang. Or, je vous le demande, pouvez-vous croire que ces hommes accoutumés à ne voir qu'avec horreur le sang des animaux, soient si fort altérés du sang de leurs semblables, à moins peut-être que vous n'ayez trouvé celui-ci plus délicat? Que ne joignez-vous donc le sang humain au feu et. à l'encens pour éprouver les Chrétiens! Vous les reconnaîtrez et les enverrez au supplice, s'ils goûtent du sang, comme vous le faites, quand ils refusent de sacrifier. Et certainement vos tribunaux et vos arrêts ne vous laisseront jamais manquer de sang humain.
On nous accuse d'inceste. Mais qui doit être plus incestueux que ceux qui ont reçu des leçons de Jupiter même? Ctésias écrit que les Perses abusent de leurs propres mères. Les Macédoniens ne sont pas exempts de soupçon, témoin cette indécente équivoque: Subjuguez votre mère, lorsqu'ils entendirent pour la première fois OEdipe déplorant sur le théâtre sa malheureuse destinée. Et parmi vous, jouets éternels d'une passion désordonnée, voyez combien les méprises sont propres à multiplier les incestes. Vous exposez vos enfants, vous les abandonnez à la compassion du premier étranger qui passe, ou vous les émancipez pour les faire adopter à de meilleurs pères. Insensiblement le souvenir d'une famille à laquelle on ne tient plus s'efface, et avec l'erreur l'inceste se répand et se perpétue. Comme cette honteuse passion vous tyrannise et vous suit partout, à la ville, dans les voyages, au-delà des mers, il doit arriver que les fruits déplorables de votre incontinence, semés en tous lieux, inconnus à vous-mêmes, s'allient ensemble ou avec leurs auteurs, sans le soupçonner.
Pour nous, la chasteté la plus sévère et la plus religieuse nous prémunit contre ces malheurs; le mariage nous garantit de toute impureté, de tout excès, et nous met à l'abri de l'inceste. Je pourrais vous en citer qui éloignent jusqu'à l'ombre du péril, en portant au tombeau une continence virginale, vieillards quoique encore enfants par l'innocence. Si vous aviez pris garde que c'est chez vous que se commettent ces désordres, vous auriez remarqué aussi que les Chrétiens en sont innocents. Le même regard vous aurait montré l'un et l'autre. Mais, par un double aveuglement qui n'est que trop commun, vous ne voyez pas ce qui est, vous croyez voir ce qui n'est point. C'est ce que je vous ferai observer pour tout le reste. Venons à ce qui est public.