Edition
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Apologeticum
VII.
[1] Dicimur sceleratissimi de sacramento infanticidii et pabulo inde, et post convivium incesto, quod eversores luminum canes, lenones scilicet tenebrarum, libidinum impiarum in verecundiam procurent. [2] Dicimur tamen semper, nec vos quod tam diu dicimur eruere curatis. Ergo aut eruite, si creditis, aut nolite credere, qui non eruistis. De vestra vobis dissimulatione praescribitur non esse quod nec ipsi audetis eruere. Longe aliud munus carnifici in Christianos imperatis, non ut dicant quae faciunt, sed ut negent quod sunt. [3] Census istius disciplinae, ut iam edidimus, a Tiberio est. Cum odio sui coepit veritas. Simul atque apparuit, inimica est. Tot hostes eius quot extranei, et quidem proprie ex aemulatione Iudaei, ex concussione milites, ex natura ipsi etiam domestici nostri. [4] Cotidie obsidemur, cotidie prodimur, in ipsis plurimum coetibus et congregationibus nostris opprimimur. Quis umquam taliter vagienti infanti supervenit? [5] Quis cruenta, ut invenerat, Cyclopum et Sirenum ora iudici reservavit? Quis vel in uxoribus aliqua inmunda vestigia deprehendit? Quis talia facinora cum invenisset, celavit aut vendidit ipsos trahens homines? Si semper latemus, quando proditum est quod admittimus?
[6] Immo a quibus prodi potuit? Ab ipsis enim reis non utique, cum vel ex forma omnibus mysteriis silentii fides debeatur. Samothracia et Eleusinia reticentur, quanto magis talia quae prodita interim etiam humanam animadversionem provocabunt, dum divina servatur? [7] Si ergo non ipsi proditores sui, sequitur ut extranei. Et unde extraneis notitia, cum semper etiam piae initiationes arceant profanos et arbitris caveant? Nisi si impii minus metuunt.
[8] Natura famae omnibus nota est. Vestrum est: Fama malum qua non aliud velocius ullum. Cur malum fama? quia velox? quia index? an quia plurimum mendax? quae ne tunc quidem, cum aliquid veri adfert, sine mendacii vitio est, detrahens, adiciens, demutans de veritate. [9] Quid? quod ea illi condicio est, ut non nisi cum mentitur perseveret et tamdiu vivit quamdiu non probat, siquidem, ubi probavit, cessat esse et quasi officio nuntiandi functa rem tradit, et exinde res tenetur, res nominatur. [10] Nec quisquam dicit verbi gratia, Hoc Romae aiunt factum, aut Fama est illum provinciam sortitum, sed, Sortitus est ille provinciam, et, Hoc factum est Romae. [11] Fama, nomen incerti, locum non habet ubi certum est. An vero famae credat nisi inconsideratus? Quia sapiens non credit incerto. Omnium est aestimare, quantacunque illa ambitione diffusa sit, quantacunque asseveratione constructa, quod ab uno aliquando principe exorta sit necesse est. [12] Exinde in traduces linguarum et aurium serpit, et ita modici seminis vitium cetera rumoris obscurat, ut nemo recogitet, ne primum illud os mendacium seminaverit, quod saepe fit aut ingenio aemulationis aut arbitrio suspicionis aut non nova sed ingenita quibusdam mentiendi voluptate. [13] Bene autem quod omnia tempus revelat, testibus etiam vestris proverbiis atque sententiis, ex dispositione naturae, quae ita ordinavit, ut nihil diu lateat, etiam quod fama non distulit. [14] Merito igitur fama tamdiu conscia sola est scelerum Christianorum. Hanc indicem adversus nos profertis, quae quod aliquando iactavit tantoque spatio in opinionem corroboravit usque adhuc probare non valuit, ut fidem naturae ipsius appellem adversus eos qui talia credenda esse praesumunt.
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Apologétique
VII.
On dit que dans nos mystères nous égorgeons un enfant, que nous le mangeons, et qu'après cet horrible repas, nous nous livrons à des plaisirs incestueux, lorsque des chiens dressés à ces infamies ont renversé les flambeaux, et en nous délivrant de la lumière, nous ont affranchis de la honte. On le répète tous les jours. Mais, depuis si long-temps qu'on le répète, vous n'avez pris aucun soin d'éclaircir le fait. Eclaircissez-le donc si vous le croyez; ou cessez de le croire, si vous ne voulez pas l'éclaircir. Votre négligence hypocrite prouve que ce que vous n'osez éclaircir n'est pas. Vous confiez contre les Chrétiens un singulier ministère au bourreau, qui les oblige non pas à avouer leur conduite, mais à taire leur nom.
La religion des Chrétiens, nous l'avons dit, a commencé sous Tibère. La vérité a commencé en se faisant haïr, et elle a apparu comme une ennemie. Autant d'étrangers, autant d'adversaires: les Juifs par jalousie, les soldats par l'avidité du pillage, nos serviteurs par leur condition même. Tous les jours on nous assiège; tous les jours on nous trahit; la plupart du temps on nous fait violence jusque dans nos assemblées. Qui de vous a jamais entendu les cris de cet enfant que, nous immolons? Nommez-moi le dénonciateur qui ait montré au juge nos lèvres encore sanglantes, comme celles des cyclopes et des syrènes? Avez-vous surpris dans les femmes chrétiennes quelques traces de ces infamies? Celui qui aurait pu voir de pareilles abominations aurait-il été vendre son silence à des hommes qu'il traînait devant les tribunaux?
Si, comme vous le dites, nous nous cachons toujours, comment ce que nous faisons a-t-il été découvert? Qui nous a livrés? Les coupables eux-mêmes? cela ne peut être: le secret est ordonné dans tous les mystères. Il est inviolable dans ceux d'Eleusis et de Samothrace: il le sera à plus forte raison dans les nôtres, qui ne peuvent être révélés sans attirer aussitôt la vengeance des hommes, tandis que celle du ciel est suspendue. Si les Chrétiens ne se sont pas trahis eux-mêmes, ils ont donc été trahis par des étrangers. Mais d'où est venue aux étrangers la connaissance de nos mystères, puisque toutes les initiations même des hommes pieux écartent les profanes? Les impies seuls auraient-ils moins à craindre?
La nature de la renommée est connue de tout le monde; votre poète l'appelle le plus rapide de tous les maux. Pourquoi l'appelle-t-il un mal? Parce qu'elle est rapide? parce qu'elle sème les rumeurs? ou plutôt n'est-ce point parce qu'elle est toujours menteuse? Elle l'est, même quand elle annonce la vérité, parce qu'elle la dénature, l'affaiblit, l'exagère. Que dis-je? La renommée ne vit que de mensonges; elle n'existe que lorsqu'elle ne prouve rien: dès qu'elle a prouvé, elle cesse d'être, sa fonction est remplie. Elle nous a transmis le fait qu'elle annonçait: dès-lors on le sait avec certitude et on l'énonce simplement. On ne dit plus: Le bruit court qu'une telle chose est arrivée à Rome, qu'un tel a tiré au sort le gouvernement de cette province; mais: Il a tiré au sort cette province; cela est arrivé à Rome. Qui dit renommée, dit incertitude: où commence la certitude, elle disparaît. Qui donc pourra en croire la renommée? Ce ne sera pas le sage qui ne croit jamais ce qui est incertain. Quel que soit l'appareil avec lequel la renommée se présente, quel que soit le nombre de circonstances qu'elle accumule, il faut bien qu'on sache que souvent un seul homme lui a donné naissance, et que de là elle se glisse par la bouche et les oreilles de la multitude comme par autant de canaux. Mais l'obscurité et le vice de son origine sont tellement couverts par l'éclat qui l'environne, que personne ne s'avise de penser que la première bouche a pu être menteuse; ce qui arrive tantôt par jalousie, tantôt par des soupçons téméraires, tantôt par cette pente naturelle d'une partie des hommes pour le mensonge. Heureusement il n'est rien que le temps ne découvre enfin: témoins vos proverbes et vos sentences. La nature a voulu que rien ne pût rester long-temps dans l'ombre. Ce n'est donc pas sans raison que depuis tant d'années la renommée seule a le secret de nos crimes. Oui, voilà l'unique accusateur que vous produisez contre nous, et qui jusqu'ici n'a pu rien prouver des rumeurs qu'il publie partout et avec tant d'assurance.